Le droit animal au Canada : Entretien avec Erin Martellani de la SPCA

Le droit animal au Canada : Entretien avec Erin Martellani de la SPCA

Domaine émergent du droit, le droit animal veille à l’amélioration de la protection ainsi que du bien-être animal et comprend des procédés législatifs ainsi que de jurisprudence. Malgré la mobilisation en faveur du droit animal gagnant de l’influence, celui-ci reste débattu et n’est aujourd’hui que très peu reconnu et implémenté au sein du droit domestique ainsi que du droit international. 

Responsable de campagne pour la défense des animaux à la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux de Montréal (SPCA), Erin Martellani m’a accordé un entretien dans lequel nous avons discuté de l’état du droit animal aux échelles municipale, provinciale et nationale.

Comment les lois pour la protection et le bien-être animal sont-elles créées et quel rôle joue la SPCA ? 

Au Québec comme au Canada, plusieurs lois régissent le traitement des animaux domestiques, exotiques ou d’élevage. Ces lois sont adoptées par le gouvernement après qu’un projet de loi soit déposé et débattu. Dans le cadre de ces projets de loi, la SPCA joue un rôle important. En effet, à travers son département pour la défense des animaux ainsi qu’à ses recherches et à son expertise sur le bien-être animal (notamment de par ses relations avec des vétérinaires et des refuges), la SPCA participe activement à ce processus comme me l’explique Madame Martellani : « Lors de la potentielle adoption d’une loi, la SPCA sera consultée par le gouvernement et pourra soumettre un mémoire, des commentaires, un code de pratique ou encore témoigner au Parlement afin d’y défendre la cause. »

La SPCA est également un acteur clé à l’échelle de la ville de Montréal où de par ses relations avec la municipalité ainsi que par son lobbying, elle a encouragé la création d’un Règlement municipal sur l’encadrement des animaux domestiques. Considéré comme le règlement le plus progressiste du Québec, sa création fût possible grâce à une autorisation accordant aux municipalités la possibilité d’aller au-delà des lois adoptées par leur gouvernement à condition que ces lois supplémentaires soient cohérentes avec la politique sur la protection animale de leur province. 

Quel est l’état du droit animal à Montréal, au Québec et au Canada ? 

Contrairement au droit des animaux, qui est une position philosophique datant de l’Antiquité selon laquelle les animaux ont des intérêts et donc, par conséquent, devraient avoir certains les droits protégeant, le droit animal d’un point de vue purement législatif est un projet récent. En effet, les lois municipales, provinciales ainsi que fédérales à ce sujet datent pour la plupart des années 2000. 

Au niveau fédéral, ce sont le Code Criminel, condamnant la cause volontaire de souffrance animale sans excuse légitime, la Loi sur la santé des animaux, régulant le transport des animaux et la Loi sur la salubrité des aliments au Canada régulant l’abattage, qui constituent l’ensemble de réglementations sur la protection animale. 

Au niveau québécois, la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal, reconnaissant les animaux comme des êtres sensibles et non pas des biens relatant à la propriété, représente un important pas en avant pour la cause. Madame Martellani me confie que « c’est une victoire symbolique, c’est un premier pas qui n’a pas encore été pris à l’échelle fédérale et qui donne de l’espoir pour les lois et règlements futurs au Québec ». En supplément de la Loi sur le bien-être et la sécurité animale, le Règlement sur le bien-être et la sécurité des animaux domestiques de compagnie et des équidés et la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune et ses règlements, existent également dans la province. 

À l’échelle de Montréal, le Règlement municipal sur l’encadrement des animaux domestiques a permis à la ville des progrès conséquents, comme l’interdiction de la vente des animaux domestiques en animalerie. 

Mais en pratique, bien que ces lois témoignent d’une volonté de progrès, elles sont en réalité complexes à appliquer pour plusieurs raisons. Tout d’abord, de nombreuses exceptions et justifications légitimes existent et peuvent priver les animaux de leurs droits. Ainsi, la Loi québécoise sur le bien-être et la sécurité animale n’a pas de valeur juridique si les animaux sont utilisés dans un contexte de médecine vétérinaire, d’éducation, de recherche scientifique ou encore d’agriculture. Cela permet, par exemple, aux fermes québécoises de continuer certaines pratiques comme la castration de porcelets sans anesthésie. De plus, il peut s’avérer complexe de prouver l’existence de cause volontaire et illégitime de souffrance animale en raison d’un manque de transparence et d’inspections proactives. En effet, dans le cas de l’agriculture, par exemple, les supervisions et les visites se font uniquement sur plainte, mais les preuves et témoignages sont complexes à obtenir, car l’agriculture se pratique souvent à porte close. Enfin, même en cas de plainte avérée et d’une poursuite en justice, les peines pour les coupables restent souvent légères et il est rare qu’un particulier ou qu’une industrie soit reconnu coupable sous le Code Criminel. Le cas d’un troupeau de vaches retrouvées mortes de faim dans une ferme québécoise en 2022, est un exemple de ce phénomène. En effet, bien que condamné à payer 35 000 $ sous la loi provinciale, le couple d’agriculteurs n’a pas été poursuivi sous le Code Criminel, et aucune peine fédérale plus lourde ne leur a été appliquée. 

Quelles initiatives pour aller plus loin ? 

Malgré un bilan mitigé concernant les efforts gouvernementaux pour le droit animal et des lobbys militant en leur défaveur, Madame Martellani reste optimiste : « Même si parfois les avancées sont lentes et la situation frustrante, on se concentre sur une étape à la fois, et on garde espoir ». De plus, l’opinion publique québécoise semble soutenir la cause. Selon un sondage organisé par la SPCA, 92% des Québécois pensent qu’un règlement devrait encadrer le traitement des animaux d’élevage. C’est ainsi que la SPCA continue aujourd’hui de poursuivre plusieurs projets de loi et de réformes législatives, notamment au niveau municipal où elle conteste les interdictions d’animaux dans les logements dans le cadre d’un litige opposant un locataire et son propriétaire. 

Enfin, je souhaitais conclure mon entretien avec Madame Martellani en la questionnant sur les actions individuelles que chacun peut tenter d’entreprendre afin de ne pas participer directement ou indirectement à la cruauté animale, notamment dans le cadre de la consommation de produits d’origine animale ; « Malheureusement, dans notre contexte d’élevage industriel très peu supervisé, il est impossible de ne pas contribuer à la cruauté animale en consommant ces produits. De plus, l’étiquetage des produits n’étant pas réglementé, il peut s’avérer complexe pour le consommateur de différencier les produits issus d’élevage respectant les 5 libertés fondamentales des animaux des autres ». 

En prenant ce constat en considération, la SPCA encourage à la réduction de consommation de produits d’origine animale selon les capacités de chacun, et ajoute que chaque effort dans cette direction, aussi mineur soit-il, est bon à entreprendre. 


Édité par Solène Mouchel. 

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