Quels sont les enjeux actuels de la tarification de la pollution par le carbone au Canada ?
A travers les nuages, on perçoit des cheminées d'usine dont s'échappent des nuages de gaz. Photo by Nik Shuliahin on Unsplash

Quels sont les enjeux actuels de la tarification de la pollution par le carbone au Canada ?

A l’heure actuelle, la tarification de la pollution par le dioxyde de carbone constitue un outil de politique publique de plus en plus exploité. Étant un phénomène récent, elle commence tout juste à faire ses preuves sur les plans écologiques et économiques : des améliorations des systèmes en place sont envisagées. Ses buts sont multiples, puisqu’elle permet de poursuivre des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), tout en remplissant le rôle classique d’une taxe, procurant un certain revenu à l’État. Cet outil se démarque par sa polyvalence et sa grande pertinence quant aux considérations socio-politiques actuelles qui mettent l’accent sur la protection de l’environnement et le développement durable. Au Canada, le système de tarification carbone diffère en fonction de la province, mais il existe un modèle fédéral qui met en rigueur des normes nationales minimales.

Quelle est la logique derrière la tarification carbone? L’objectif premier étant de réduire les émissions de gaz à effet de serre, il y a plusieurs méthodes applicables afin de décourager l’utilisation d’énergies, de biens et de services polluants tant chez les producteurs que chez les consommateurs. Généralement, il s’agit de faire payer les émetteurs pour les externalités négatives dont leurs émissions sont responsables artificiellement en créant un prix du carbone. La notion d’externalité implique qu’en l’absence d’un système de tarification, les émissions de GES ont tout de même un coût, mais ce fardeau tombe sur d’autres agents économiques plutot que sur les responsables des émissions. Cela désigne, entre autres, les individus qui souffrent de problèmes de santé provenant de la pollution ou encore des dommages matériels causés par des catastrophes naturelles amplifiées par le réchauffement climatique. Indirectement, ces frais sont le fait d’émissions de gaz polluants, et devraient être encourus par les responsables de ces émissions eux-mêmes.

La tarification carbone peut être implémentée de plusieurs manières. Elle s’applique notamment à travers des systèmes de taxation carbone. D’une part, il est possible d’imposer un prix basé sur la quantité d’émission de GES. D’autre part, une taxe peut être imposée sur la consommation de biens et services très polluants. Il existe un autre régime de tarification carbone appelé l’échange de quotas d’émission de carbone qui permet d’instaurer un prix du marché dans les industries. Les industriels sont dotés d’un quota d’émissions de CO2 autorisé au-delà duquel ils doivent racheter des quotas à des industriels qui émettent en deçà de leur propre quota. Dans chacun des cas de figure, le coût induit par la pollution incite les industriels et consommateurs à l’origine d’émissions de carbone à se tourner vers des alternatives plus écologiques. Ainsi, les industries seront poussées à l’innovation pour adopter des nouvelles technologies et des sources d’énergies plus vertes. De la même façon, les individus tendent à substituer leur consommation de biens et services à forte empreinte carbone, affectés par la taxation, par des équivalents moins polluants.

Naturellement, les régimes de taxation carbone contribuent aux revenus de l’État donc il importe de quelle façon ils sont utilisés. La taxation carbone telle qu’elle a été pensée et appliquée au Canada poursuit également des fins redistributives, puisque les recettes provenant de la taxe perçue par le gouvernement sont entièrement reversées aux citoyens du pays. Plus particulièrement, les revenus de la tarification à hauteur de 90% sont reversés aux ménages, surtout dans les zones rurales, sous forme de crédits d’impôts compensatoires. Le restant du montant des recettes fiscales est reçu par des petites et moyennes entreprises, les agriculteurs, et les communautés indigènes.

Cette stratégie de réduction d’émissions de GES a produit des résultats particulièrement encourageants jusqu’à présent. Le gouvernement estime en effet qu’en l’absence du système de tarification carbone, les émissions nationales en 2022 s’élèveraient à environ 19 mégatonnes supplémentaires. De plus, cette stratégie permet aux individus et aux industries de conserver une grande liberté quant a leurs manière d’adapter leurs habitudes de consommation et de production. En faisant entrer les politiques écologiques dans des logiques de marché, l’innovation et l’efficacité de production sont encouragées. Ainsi, des indicateurs économiques tels que le PIB et le pouvoir d’achat des habitants ne sont pas impactés de manière significative. Aussi, une collaboration étroite avec les gouvernements indigènes permet à ces communautés marginalisées d’avoir un poids dans les décisions en rapport avec la tarification carbone, leur permettant d’avancer leurs causes environnementales et de réduire des inégalités économiques persistantes.

Mais alors, quels sont les changements à pourvoir? Le gouvernement fédéral prévoit d’augmenter progressivement les taux des taxes jusqu’en 2030 pour faciliter une transition énergétique des industries, des innovations écologiques, et des changements graduels dans les habitudes de consommation des Canadiens. Néanmoins, il existe un certain tumulte politique quant à la tarification carbone au Canada. Les conservateurs tendent à peindre un portrait péjoratif du système punitif des émissions carbone en l’accusant d’affecter le pouvoir d’achat des résidents canadiens. De telles affirmations sont erronées, puisque dans les faits, la baisse du revenu disponible des ménages due à la taxe est couverte par les crédits d’impôts compensatoires.

Ainsi, la tarification carbone est considérée comme une aubaine pour la poursuite des objectifs écologiques transnationaux. Elle permet la réduction effective des émissions de carbone tout en limitant toute entrave à la croissance économique. Cet outil de finance publique parvient à encourager des processus d’’innovation et de transitions vers une consommation plus responsable par exemple. De surcroît, la spécificité du régime canadien, octroyant des crédits d’impôts compensatoires de sorte à reverser les recettes de la tarification carbone aux habitants permet de garantir une distribution des ressources financières plus égalitaires.

Édité par Yara Daher.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *