Avec la COP 27 qui s’est déroulée en Égypte en Novembre 2022, le monde a à nouveau reçu une piqûre de rappel sur l’urgence d’agir contre le réchauffement climatique. Cependant, malgré ce sommet et ses grandes déclarations, il semble n’y avoir que peu de solutions entreprises pour agir efficacement contre la montée des températures. Ce manque d’actions engendre des conséquences désastreuses pour l’environnement et les populations des pays en développement en particulier. Pourtant, malgré les effets catastrophiques d’une libéralisation des échanges commerciaux augmentant les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère, le commerce international a le potentiel de devenir un élément central dans notre mitigation des effets du réchauffement climatique.
Du fait de l’explosion des échanges commerciaux internationaux durant la seconde partie du 20ième, les niveaux de pollution se sont décuplés. Pour cette raison, de nombreuses voix se lèvent pour réduire drastiquement les accords commerciaux facilitant les échanges. Que ce soit en Europe avec les dénonciations de l’accord de libre échange avec le Canada (CETA) ou le MERCOSUR avec le Brésil, le commerce international n’a jamais été aussi critiqué.
Une grande partie des militants écologistes sont devenus opposés à toute idée de développement du commerce international, voyant ce dernier non seulement comme une source de destruction environnementale, mais aussi en délocalisant les usines polluantes vers les pays du Sud mondial et en important les biens produits par ces dernières. Cela rend le débat encore plus complexe, car les visions économiques et environnementales divergentes des différents acteurs du commerce international deviennent entremêlées, rendant les appels de réductions majeurs des flux commerciaux des différents acteurs difficiles à réconcilier. En effet, entre un Nord global qui est sous pressions par des pans de plus en plus importants de sa population pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), et un Sud Global qui voit dans le commerce international une opportunité de développement inégalée jusqu’à présente, il est difficile de voir comment ces deux points de vue peuvent se réconcilier.
Cependant, malgré les discours dominants dans les milieux écologistes sur le commerce international, ce dernier peut non seulement aider, mais devenir un élément indispensable de la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, les capacités du commerce international à réduire les émissions de GES est non seulement possible, mais réalisable à moyen terme grâce à une réduction des émissions de GES et à une meilleure utilisation des ressources, tout en permettant aux pays en développement de profiter des revenus financiers générés par le commerce international
Le professeur K. Pelc, du département de Science Politique de McGill nous permet de voir plus en détails les sous tenants d’un commerce international plus responsable:
Catalyst: Comment est-ce qu’une intensification des échanges pourrait réduire les émissions plutôt qu’a les augmenter?
Prof. Pelc: Si ces échanges peuvent favoriser des biens et services produits de manière plus efficace, et moins nocive à l’environnement, alors leur intensification aide plutôt que nuit à la planète. La question, c’est comment créer cet alignement quand l’efficacité économique et écologique ne sont pas alignées?
Cette question d’alignement est l’une des interrogations qui est avancée durant les grands sommets internationaux comme la COP. En effet, les pays en développement ont peu de motivation à renoncer à une opportunité de développement économique aussi profitable que le commerce international. Cependant, il faut aussi prendre en compte l’aspect de justice dans ces interrogations, car les pays en développement sont les moins responsables des émissions de GES, alors qu’ils doivent faire le plus d’effort. Mais des solutions sont possibles, comme le montre l’accord obtenu durant la COP 27 où un fond d’aide aux pays en développement financé par les pays développés a été mis en place.
De la même manière, une autre approche serait d’avancer encore plus les subventions des gouvernements pour inciter des changements de consommation et de production des citoyens.
Prof Pelc: L’autre voie consiste à réduire le coût de biens qui aident directement l’environnement: on souhaiterait se procurer e.g. vélos, panneaux solaires, et turbines éoliennes du producteur le plus efficace, de façon à rendre ces biens maximalement accessibles.
Cependant, cela demande mécaniquement une augmentation des dépenses publiques, dont le financement ouvre des questions sur la faisabilité qui dépasse cet article.
Une autre problématique qui doit être adressée pour assurer un commerce international responsable est la délocalisation des émissions de GES. Jusqu’à présent, les pays développés ont réussi, en apparence, à réduire grandement leur émissions en délocalisant leur industrie dans les pays en développement. Cependant, plutôt que de vraiment réduire ces dernières, elles sont simplement transférées en dehors de la jurisdiction de ces états, vers des pays qui n’ont pas la capacité de réduire ces émissions mais aussi qui subissent les effets du réchauffement climatiques les plus importants. Toutefois, des solutions sont non seulement possibles, mais en train d’être mises en place.
Catalyst: Existe-t-il des initiatives pour réduire les émissions en cours de développement qui méritent plus d’attention?
Prof Pelc: Le point focal est sans doute le Carbon Border Adjustment Mechanism (CBAM) européen, qui est une façon de réconcilier les intérêts économiques domestiques avec des priorités internationales.
Le CBAM est l’une des mesures les plus ambitieuses pour répondre aux défis créés par le transfert des émissions de GES. Actuellement, les industries européennes, malgré des engagements à réduire leurs émissions, ont souvent réussi à obtenir des exceptions en avançant le fait que leurs concurrents sont plus compétitifs car elles n’ont pas à investir dans des mesures pour réduire leur impact sur l’environnement. Avec le CBAM, les biens non européens devront payer une taxe à la frontière douanière de l’Union permettant non seulement de mettre sur un pied d’égalité les entreprises européennes qui produisent de manière plus responsables par rapport aux entreprises étrangères, mais aussi d’inciter des acteurs non européens à investir dans des infrastructures permettant une réduction de leur production de GES afin d’atteindre les niveaux imposés par les européens.
Ainsi, malgré le fait que le commerce international ait un impact majeur sur l’environnement, il peut devenir un élément majeur de nos politiques environnementales pour réduire nos émissions, tout en assurant une amélioration des niveaux de vies des pays en développement. Le réel problème qui doit être adressé au niveau international n’est pas de trouver les solutions, mais que les responsables politiques agissent dans ce sens, dans nos institutions à la fois locales et internationales pour les implémenter.
Edité par Jo-Esther Abou Haidar et Augustin Bilaine
Axel is in his third and final year at McGill. He pursues a B.A. Joint Honours in Political Sciences and International Development with a minor in Environmental Studies. He aspires to become a French Diplomat! While he is interested in all international affairs, he is particularly passionate about geopolitical issues, inequalities both at the global and the local scale, and climate change actions.