Le 29 octobre 2024, l’Espagne et la Communauté valencienne plongent dans un week-end d’Halloween marqué non par les festivités, mais par l’effroi suscité par des événements météorologiques extrêmes et une gestion de crise chaotique. Dès 18 heures, à Paiporta, un village près de Valence, les habitants commencent à observer une montée inquiétante des eaux. Mal informés et peu préparés, beaucoup sous-estiment l’ampleur du danger, poursuivant leurs activités sans qu’une alerte formelle ne soit émise avant 20 heures. Cet épisode apocalyptique mettra en lumière un double échec : celui des gouvernements, incapables d’assurer une protection efficace de leurs citoyens, et celui des sociétés, insuffisamment réactives face à l’urgence climatique.
Alors que la nuit tombe, la panique gagne du terrain : des voitures sont englouties, les rues se transforment en torrents impraticables, et une atmosphère apocalyptique s’installe. Le phénomène DANA, une perturbation météorologique exceptionnelle marquée par des pluies torrentielles et des vents violents, s’abat impitoyablement sur Valence, provoquant des inondations massives et des dégâts considérables. L’infrastructure, inadaptée à des conditions tropicales, cède sous la pression : routes bloquées, ponts effondrés, réseaux électriques paralysés.
La rupture du barrage de Forata, construit dans les années 1970 pour retenir les eaux du fleuve Magro, adjacent au territoire du jaguar, constitue un événement majeur. Chargé de 14,16 millions de mètres cubes d’eau, son effondrement devient un point tournant dans l’histoire de la dite goutte froide. Lors d’une goutte froide, une masse d’air froid se détache d’une zone de haute pression et descend vers le sol, créant des conditions instables qui favorisent de fortes pluies, des orages et parfois des inondations. Souvent violente, elle provoque des dégâts considérables en raison de la rapidité de la dépression atmosphérique et de l’intensité des précipitations, particulièrement dévastatrice dans les zones côtières.
Couplé à la destruction du barrage, cette perturbation météorologique entraîne une inondation dévastatrice des rues, avec des précipitations atteignant entre 490 et 630 mm/m². Le bilan est tragique : 215 morts recensés, et de nombreuses personnes portées disparues, potentiellement des centaines, alors que les fouilles se poursuivent. Certaines ont été emportées par les eaux dans les rues, et leurs corps n’ont pas encore été retrouvés. Ce spectacle d’horreur laisse derrière lui des scènes terrifiantes, où des habitants, piégés au premier étage ou au rez-de-chaussée, se sont parfois retrouvés incapables de s’échapper. Il faut aussi compter une dégradation évidente du matériel : des voitures emportées, des murs effondrés, des souvenirs de famille disparus, des photos, des ordinateurs et des bijoux perdus. Les pharmacies et les commerces ont également été dévastés, entraînant des pertes financières considérables et bouleversant la vie quotidienne des habitants.
C’est un véritable spectacle de désolation à plusieurs niveaux. Les destructions sont à la fois physiques et émotionnelles : la perte d’un proche, la disparition d’une maison où l’on vivait depuis des générations. Cet événement représente sans doute un traumatisme d’une ampleur considérable, marquant à jamais la mémoire de la région et du pays tout entier. Il engendre un esprit de deuil collectif et un sentiment profond d’impuissance, à cela s’ajoute une colère due au manque de transparence politique et à la gestion de cet événement.
Malgré une première alerte émise par l’AEMET dès le 23 octobre, aucune notification officielle ne parvient aux citoyens avant 20h12, bien trop tard pour ceux déjà pris au piège des eaux montantes, laissant les habitants désorientés, sans instructions claires pour se protéger ou évacuer à temps. Parallèlement, la gestion politique de la crise s’avère catastrophique. Le président régional, Carlos Mazón, tarde à réagir, apparemment retenu par un dîner au restaurant alors qu’une réunion d’urgence se tient, selon les révélations d’El País.
Cette inaction et ce manque de leadership face à une catastrophe d’une telle ampleur mettent en lumière de graves manquements politiques et exacerbent la colère et le désespoir des citoyens.
Dans les jours qui suivent, des milliers de Valenciens arpentent les routes inondées pour rejoindre les villages voisins, s’efforçant, à mains nues ou avec des outils de fortune, de dégager la boue qui engloutit les rues. Les réseaux sociaux se remplissent d’images de désolation: villages ravagés, familles brisées, personnes portées disparues. Face au manque criant de soutien institutionnel, la solidarité s’organise spontanément. Partout en Espagne, des collectes de vivres sont mises en place pour venir en aide aux sinistrés, coupés du monde et privés de ressources essentielles comme l’eau potable et le lait maternel. La devise “el pueblo salva el pueblo” (le peuple sauve le peuple) devient un symbole emblématique, dénonçant l’absence flagrante d’aide officielle. Les témoignages des survivants sont déchirants : “Le pire, c’était d’entendre les cris des gens qui n’avaient pas pu fuir à temps, et lorsque les cris s’arrêtaient, le silence devenait encore plus insoutenable.”
Le 3 novembre, l’armée est enfin déployée dans les zones sinistrées, accompagnée de dignitaires politiques tels que Carlos Sánchez,Carlos Mazón, ainsi que le roi Felipe VI et la reine Letizia. Leur arrivée provoque colère et désespoir parmi les habitants : des poignées de boue sont lancées et des insultes fusent. Pour une population ayant perdu proches et biens, cette visite tardive et le refus d’accepter l’aide internationale symbolisent une inaction inacceptable. La Generalitat a certes sollicité un soutien financier du gouvernement central, qui a approuvé une aide de 14.373 milliards d’euros pour les victimes, mais la reconstruction s’annonce longue, lente et éprouvante. Les témoignages poignants des survivants continuent de souligner la gravité de cette tragédie. Ces jours d’octobre resteront gravés dans l’histoire de Valence et de l’Espagne, un pays qui, dans ces heures sombres, a dû avant tout compter sur la résilience et la solidarité de son peuple pour surmonter l’inimaginable.
L’exemple espagnol, bien que tragique, offre des leçons importantes à plusieurs niveaux. D’une part, il souligne la responsabilité d’un gouvernement dans la gestion défaillante d’une catastrophe naturelle, mettant en lumière l’importance d’une préparation rigoureuse et d’une réponse rapide face à de tels événements. D’autre part, il illustre l’intensification des phénomènes météorologiques extrêmes, un phénomène qui ne se limite plus aux zones traditionnellement vulnérables, comme les ouragans en Floride ou la montée des eaux menaçant des îles comme les Seychelles. De plus en plus, ces événements climatiques extrêmes affectent des régions auparavant considérées comme moins exposées, transformant ainsi l’intensification du climat en un défi véritablement global.
Cet événement soulève une réflexion sur les responsabilités historiques et contemporaines en matière de changement climatique. La majorité des gaz à effet de serre produits et de l’exploitation des ressources naturelles trouve ses racines dans les pays de l’hémisphère Nord, notamment en Europe et en Amérique du Nord, moteurs principaux du développement industriel au cours des deux derniers siècles. Malgré la prise de conscience croissante et l’engagement de certains gouvernements à mettre en place des politiques environnementales, la réponse mondiale demeure insuffisante face à l’ampleur du problème. Bien que des mesures soient prises, elles restent souvent fragmentées, insuffisantes ou trop lentes pour contrer l’ampleur du défi climatique. Aucun pays ne semble encore prêt à adopter les sacrifices nécessaires pour réduire véritablement les émissions mondiales de gaz à effet de serre et atteindre les objectifs des accords internationaux.
En fin de compte, l’humanité et surtout les pays européens se trouvent confrontés à un retour de bâton brutal, rappelant les conséquences de l’inaction collective face à un défi climatique d’une ampleur inédite, menaçant non seulement l’environnement, mais aussi la survie même. Si cet événement doit servir d’avertissement, il est impératif de tirer la sonnette d’alarme, notamment en Europe, afin d’initier des actions concrètes et durables. La mise en place d’infrastructures résilientes, de protocoles d’urgence adaptés et d’instituts de recherche spécialisés pour anticiper et étudier ces phénomènes météorologiques doit devenir une priorité absolue. Cela nécessite également des mesures directes et ambitieuses pour contrer le réchauffement climatique, moteur principal de ces catastrophes qui deviennent de plus en plus fréquentes.
Les phénomènes climatiques extrêmes ne sont plus confinés à des régions lointaines : ils frappent désormais l’Europe, exposant des pays pourtant censés être mieux équipés pour y faire face que ceux de l’hémisphère sud. Cette réalité rend d’autant plus inadmissible la gestion chaotique de cet épisode en Espagne, révélant un manque criant de préparation et de sérieux face à une problématique qui ne fera que s’amplifier avec le temps. Plus que jamais, elle souligne l’urgence de repenser nos priorités et d’agir de manière proactive, car ici, l’inaction n’a pas seulement coûté des biens et des infrastructures : elle a coûté des vies. Ce drame, qui laissera une cicatrice indélébile, brisant des vies et abandonnant des communautés dans un état de désolation profonde, rappelle cruellement que le prix de l’inaction, qu’il soit humain, économique ou environnemental, est désormais insoutenable. L’Europe, a l’instar du reste du monde, ne peut plus se permettre de regarder ailleurs.
Editée par Sofia Germanos.
Cet article a été écrit par un membre de l’équipe rédactionnelle. Catalyst est une plateforme dirigée par des étudiants qui favorise l’engagement avec les enjeux mondiaux dans une perspective d’apprentissage. Les opinions exprimées ci-dessus ne reflètent pas nécessairement les points de vue de la publication.