Pendant longtemps, les relations entre la France et ses anciennes colonies ont été réduites à une expression : La Françafrique. Elle est apparue dans les années 1960 pour décrire les relations politiques, diplomatiques, économiques, militaires, et monétaires que la France entretient avec ses anciennes colonies africaines après leur indépendence.
La Francafrique est souvent associée à des pratiques controversées telles que le soutien à des régimes autoritaires et corrompus, l’exploitation économique de la région perpétuant la dépendance de l’Afrique vis-à-vis de la France, ainsi qu’une implication dans des conflits armés. Notamment, le scandale des « biens mal acquis » fait référence à des enquêtes judiciaires qui ont révélé que des dirigeants Africains corrompus et leurs familles ont accumulé des bien immobiliers et d’autres actifs en France, en utilisant des fonds publics détournés de leur pays d’origine.
Cette pratique soulève des questions sur la complicité de la France dans l’enrichissement illicite des dirigeants africains, et la perpétuation de l’instabilité politique et de la pauvreté. Le scandale des biens mal acquis a en outre un impact négatif sur les économies africaines, car il prive les pays de leurs ressources naturelles et des fonds qui pourraient être investis dans le développement. En mars 2007, trois organisations non gouvernementales (ONG), dont Transparency International France, déposent une plainte contre cinq chefs d’États africains pour « recel de détournement de fonds publics ». Elles ont contribué à exposer le scandale, dont les détournements de dizaines de millions d’euros de la famille de l’ancien président gabonais Omar Bongo. Des membres de la famille du défunt président ont été auditionnés, mais aucun d’entre eux n’est poursuivi à ce jour. Ainsi, malgré les enquêtes et poursuites judiciaires, et l’implication de nombreuses ONG, les résultats sont insuffisants pour punir les responsables. Les dirigeants sont souvent protégés par leur immunité diplomatique, ainsi que la difficulté à obtenir des preuves.
Lors de son dernier voyage en Afrique en mars 2023, Emmanuel Macron s’est rendu au Gabon, en Angola, au Congo, et en République démocratique du Congo, afin de réaffirmer son engagement de renouveler les relations avec l’Afrique sur des bases égalitaires, avec un nouveau partenariat. En tant que président de la République française depuis 2017, il a promis de mettre fin à la Françafrique, et de réformer la coopération économique, militaire, et politique entre la France et l’Afrique. Il avait prévu de consacrer «0.7% de la richesse française à la coopération avec l’Afrique» pour l’aide au développement et l’assistance sécuritaire. Pour mettre en place sa politique africaine, un comité composé principalement de jeunes entrepreneurs binationaux a été employé.
Durant son premier mandat, Emmanuel Macron a promis de réduire la présence militaire française en Afrique en renforçant la formation et l’assistance technique des forces armées locales. En novembre 2022, il a officiellement terminé l’opération extérieure principale de la France, l’opération Barkhane au Sahel, qui avait été lancée en 2013 pour lutter contre les groupes djihadistes. Ainsi, le président français a annoncé la transition de l’engagement français vers le soutient et la collaboration des efforts des États selon leurs besoins. La France a, de plus, retiré ses troupes au Mali, au Burkina Faso, et en République Centrale d’Afrique. Le Président français a également affirmé sa volonté de réformer le franc CFA, utilisé dans quatorze pays africains et qui est souvent considéré comme un symbole de néo-colonialisme. En effet, il survit grâce au mécanisme dit du « compte d’opération», qui fait de la France la gardienne de la stabilité financière de cette monnaie.
Lors de son discours en 2017 à Ouagadougou, le président a fait la promesse que « d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique.» La procédure de restitution concerne le Bénin, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Tchad, le Mali, l’Éthiopie, et Madagascar. Ainsi, de nombreux objets d’art exposés au Musée du Quai-Branly qui avait été volés, pillés, ou saisis ont été remis définitivement à leur pays d’origine, le Bénin. Selon certains spécialistes, il y aurait encore aujourd’hui près de 90% du patrimoine africain en dehors du continent. e
De plus, Emmanuel Macron s’était aussi engagé à faciliter l’accès aux visas pour les étudiants originaires de pays africains francophones et les échanges universitaires et culturels. Cependant, les questions de mobilité et de politique migratoire restent deux préoccupations très importantes, car les promesses d’Emmanuel Macron faites lors de son discours à Ouagadougou ne se sont pas vues concrétisées. Paris a décidé de réduire drastiquement le nombre de visas à l’égard du Maroc, de l’Algérie, et de la Tunisie en raison du fait que ces pays n’acceptent pas de reprendre des ressortissants.
Enfin, le gouvernement d’Emmanuel Macron travaille à renforcer les relations culturelles et éducatives entre la France et l’Afrique, ainsi que l’aide au développement et le soutien à la démocratie. L’augmentation de l’aide publique au développement fait partie des rares engagements chiffrés présents dans le discours de Ouagadougou. En effet, l’une des promesses de sa campagne était de porter l’aide au développement à 0,55 % du revenu national brut d’ici à la fin du quinquennat. Un an plus tard, cette décision se concrétise dans le projet de loi de finances 2019, qui prévoit une augmentation d’un milliard d’euros accordées à l’agence française de développement.
Malgré l’intérêt qu’Emmanuel Macron porte à l’Afrique, la France est de plus en plus impopulaire dans les pays francophones d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. L’hostilité quant aux mesures proposées par le président est particulièrement importante au Mali. Le 22 novembre 2022, le Mali a mis fin aux activités des ONG soutenues par la France sur son territoire, suite à l’annonce de la suspension de l’aide publique au développement française en raison du recours des autorités maliennes au groupe paramilitaire russe Wagner. Le colonel Abdoulaye Maiga, premier ministre par intérim, a accusé la France de prendre des mesures de protestation contre cette collaboration militaire, ce qui a entraîné une détérioration des relations entre les deux pays. Le Mali a également accusé la France de soutenir des groupes armés dans le pays, une accusation que la France a rejetée. Les relations entre les deux pays se sont également détériorées depuis la prise de pouvoir par les militaires au Mali en 2020. La décision du Mali de mettre fin à son accord de coopération militaire avec la France a aussi contribué aux tensions croissantes entre les deux pays.
De plus, la France et les entreprises françaises continuent d’exercer une influence considérable sur le continent, ce qui entrave sa croissance économique et politique. Certains critiques estiment que Bolloré et d’autres grandes entreprises françaises continuent de bénéficier d’une forme de néo-colonialisme économique en Afrique, leur permettant de tirer profit des ressources et de la main d’œuvre sans véritablement contribuer au développement des pays concernés. Bolloré est un acteur clé de l’économie africaine. Présent dans de nombreux pays du continent, notamment en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Togo, et au Sénégal, Bolloré est impliqué dans les secteurs des infrastructures portuaires, énergie, communications, et logistique. Le 28 décembre 2022, la vente des actifs maritimes et ferroviaires en Afrique du groupe Bolloré à un groupe italo-suisse pourrait marquer un tournant majeur dans la présence économique de la France sur le continent. Elle pourrait ouvrir la voie à de nouveaux investisseurs et à une concurrence accrue, offrant des opportunités pour les entreprises locales et potentiellement pour une diversification de l’économie africaine. Cependant, il reste à voir comment les nouvelles entreprises opérant dans ce secteur pourront s’adapter aux réalités locales et contribuer au développement économique durable de l’Afrique.
Ainsi, les initiatives d’Emmanuel Macron pour mettre fin à la Françafrique ne sont pas suffisantes pour permettre une véritable indépendence économique et politique en Afrique. Les mesures telles que la réforme du franc CFA, la restitution des oeuvres d’art, et l’aide au développement sont occultées par les controverses sur l’échec de l’opération Barkhane au Sahel, la politique migratoire, et les pratiques économiques douteuses de certaines entreprises françaises.
Édité par Jo-Esther Abou Haidar
Solène Mouchel is in her second year at McGill University, currently pursuing a double major in Political Science and International development with a minor in Hispanic Studies. She is a staff writer for Catalyst who is particularly interested in environmental and development issues in Latin America.