Le plus grand procès de 47 militants pro-démocratie à Hong Kong a débuté le 6 février 2023 et devrait durer quatre mois. Les accusés sont poursuivis pour avoir enfreint la loi sur la sécurité nationale, qui a été imposée à Hong Kong par Pékin en 2020. Ils sont accusés d’avoir organisé ou de s’être présenté comme candidat lors de l’élection primaire informelle de juillet 2020 afin de désigner des candidats pro-démocratie pour les élections législatives. Leur objectif était d’obtenir une majorité au sein de l’assemblée et pousser la cheffe pro-Pékin Carrie Lam à la démission. Parmi les accusés, seize ont plaidé non-coupable tandis que trente ont plaidé coupable. Ce procès soulève des questions cruciales quant à l’état de la justice et de la démocratie. Comment la loi sur la sécurité nationale est-elle appliquée en pratique et quel est son impact sur les droits humains et les libertés fondamentales des Hongkongais ? Qu’en est-il de la préservation du système juridique de Common Law à Hong Kong ?
Pékin a imposé la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong après les manifestations anti-gouvernementales de 2019. Elle a été présentée comme une réponse au « chaos » qui régnait. Cette loi bannit la « sécession », c’est-à-dire la tentative de séparation du territoire. Elle interdit aussi la « subversion », qui désigne toute activité visant à renverser l’autorité du gouvernement central en place. La « collusion » est également condamnée, ce qui inclut la collaboration avec des forces étrangères afin d’influencer les affaires internes de la Chine. Enfin, la loi définit le « terrorisme » comme toute utilisation de violence ou d’intimidation pour des objectifs politiques ou sociaux. Elle prévoit des peines allant de trois ans de prison, à l’emprisonnement à perpétuité. Dans ce cas, les procureurs accusent les 47 détenus d’un « complot en vue d’un acte de subversion ».
Quels sont les motifs d’inquiétude au sujet de l’entrée en vigueur de la loi de sécurité nationale ?
Pour comprendre les conséquences qu’engendre la loi sur la sécurité nationale de Hong Kong, il est important de connaitre le contexte de la rétrocession de Hong Kong à la Chine en 1997, qui a abouti à la mise en place du système « Un Pays, deux systèmes » afin de préserver l’autonomie de la région et de son système juridique base sur la Common Law. L’absence de jury est une véritable entorse de la Common Law de Hong Kong, système judiciaire hérité des Britanniques depuis 176 ans. Or, le département de la justice de la ville le décrit comme l’une des caractéristiques les plus importantes. Le système légal de la ville autorise normalement des avocats et juges étrangers dans les tribunaux. Cependant, les cas associés à la loi sur la sécurité nationale sont pris en charge par un panel de trois magistrats choisis par le gouvernement. En raison d’un éloignement des valeurs de liberté politique, le Royaume-Uni a annoncé en 2022 que Lord Robert Reed et Lord Patrick Hodge, deux juges de la Cour suprême, ne siègeront plus à la haute cour de Hong Kong. Ainsi, l’adoption de cette loi soulève des questions quant à la préservation de ces principes ainsi qu’à la protection des droits humains et des libertés fondamentales des Hongkongais. Les analystes estiment que le procès pour atteinte à la sécurité nationale met en péril le système de Common Law, c’est-à-dire l’une des fondations principales qui distingue Hong Kong de la Chine continentale, où le Parti communiste chinois au pouvoir influence les tribunaux.
Conçue en secret et adoptée sans véritable participation des autorités Hongkongaises, la loi accorde à Pékin des pouvoirs afin de réprimer une variété d’activités dits crimes politiques. Cette loi a été fortement critiquée par la communauté internationale pour son caractère vague et sa portée extrêmement large, qui peut être utilisée pour réprimer toute forme d’opposition au gouvernement chinois de Hong Kong. En raison de sa nature vague, les autorités ont une grande marge de manœuvre pour réprimer les voix dissidentes. Cela a entrainé une augmentation des poursuites et arrestations contre les militants pro-démocratie depuis son entrée en vigueur. Certains actes, tels que la destruction de biens publics, sont désormais considérés comme des actes de terrorisme, et certains procès peuvent être tenus à huis clos, ce qui soulève des inquiétudes quant à la politisation du système judiciaire. Parmi ceux qui réclament son abrogation pour cause de violations des droits humains et de l’autonomie de Hong Kong se trouve le comité des droits de l’Homme de l’ONU et l’Union Européenne ainsi que des organisations non gouvernementales tels que Amnesty International et Human Rights Watch. Liz Truss, la secrétaire aux affaires étrangères à ce moment avait déclaré que les autorités chinoises réprimaient la liberté d’expression, de la presse et d’association depuis l’implémentation de la loi sur la sécurité nationale.
Depuis 2020, le gouvernement Chinois et celui de Hong Kong ont démantelé la presse indépendante de Hong Kong qui critiquait le Parti communiste chinois, tels que les médias Apple Daily et Stand News. Le fondateur du groupe de presse Apple Daily mais aussi l’un des plus grands critiques du régime, Jimmy Lai Chee-ying, purge une peine de prison prononcée le 10 décembre de cinq ans et neuf mois pour fraude. Il est également confronté à un procès en vertu de la loi sur la sécurité nationale de Hong Kong pour des charges de collusion avec des forces étrangères. Cependant il a été reporté à septembre 2023, dans l’attente d’une décision de Pékin sur la question de l’autorisation à avoir un avocat britannique pour le défendre. Malgré l’autorisation des tribunaux locaux de la représentation de Jimmy Lai par l’avocat Tim Owen, le chef de l’exécutif Hongkongais, John Lee, a demandé à la cour suprême de Chine de décider si des avocats étrangers peuvent être impliqués dans les dossiers par rapport à la sécurité nationale. Il a demandé une « interprétation » de cette loi par la Chine car il n’y aurait aucune mesure pour s’assurer qu’un avocat étranger ne soit pas contrôlé par des gouvernements, associations, ou personnes extérieures. Ainsi, le cas de Lai remet en question l’indépendance de l’état de droit et renforce les critiques accusant l’utilisation abusive du concept de « sécurité nationale » pour éradiquer les opposants pro-démocratie.
Ainsi le procès des militants pro-démocratie est source d’inquiétude en raison des possibles répercussions de la loi sur la sécurité nationale sur la politisation du système judiciaire et sur la protection des droits humains et libertés fondamentales.
Édité par Jeanne Arnould
Solène Mouchel is in her second year at McGill University, currently pursuing a double major in Political Science and International development with a minor in Hispanic Studies. She is a staff writer for Catalyst who is particularly interested in environmental and development issues in Latin America.