« Je voudrais adresser un message clair à tout le monde : le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international, et l’aune qui mesure la sincérité des amitiés et l’efficacité des partenariats que le Royaume établit », 20 août 2022.
Lors de son discours en l’honneur du jour de la révolution du roi et du peuple marocain, Mohammed VI, roi du Maroc, a exprimé la haute importance du Sahara occidental dans les relations diplomatiques du pays.
Situé sur la côte Atlantique de l’Afrique du Nord, le Sahara occidental est un territoire au sud du Maroc. Historiquement composés de différentes tribus, les Sahraouis ont entretenu un lien avec les dynasties marocaines à partir du XIe siècle. Séparé dès 1912 par l’établissement des protectorats français et espagnols au Maroc (l’Espagne occupant notamment le Sahara et la France, la partie Nord du pays), le Sahara occidental est depuis sa décolonisation en 1956, revendiqué par le Maroc qui souhaite réaffirmer sa souveraineté sur le territoire et l’intégrer à son État. En effet, le Sahara occidental représente un enjeu géopolitique marocain majeur de par sa position géographique, ses ressources, mais également son symbole culturel et décolonial dans la mesure où sa reconnaissance comme territoire marocain serait vue par le royaume chérifien comme la restitution juste d’une partie dont il aurait été privé.
Malgré son statut de territoire non autonome, déclaré par l’Organisation des Nations Unies (ONU), qui tente d’organiser dans le cadre de sa mission de maintien de la paix un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui, la réalité du Sahara occidental est multiple. Aujourd’hui annexé et gouverné à 80% par le Maroc, le territoire est fragmenté par le mur des Sables, où le front indépendantiste du Polisario organise sa résistance du côté est. Une importante partie de la population sahraouie est également absente du territoire et vit exilée à l’étranger ou dans des camps de réfugiés présents des deux côtés de la frontière artificielle.
Dans ce climat où une résolution immédiate et durable paraît complexe à achever de par la polarisation des narratives et des intérêts des principaux acteurs du conflit, le Maroc continue de publiquement revendiquer la terre du Sahara occidental et accorde une importance conséquente à l’opinion des États avec lesquels il maintient des relations. Ainsi, le Sahara occidental semble avoir une influence directe sur les liens diplomatiques du Maroc ; qu’ils soient amicaux ou le fruit de rivalités. Des exemples illustratifs de ce prisme sont les relations entre le Maroc, les États-Unis et Israël, ainsi que celles que le Maroc entretient avec l’Algérie et la Tunisie.
Une reconnaissance de la souveraineté du Maroc qui resserre les liens diplomatiques : Les exemples des États-Unis et d’Israël
Depuis les années 2000, suite à la deuxième Intifada palestinienne, le Maroc, comme une majorité des États arabes, a coupé ses relations avec Israël. Après 20 ans de diplomatie interrompue, les relations israélo-marocaines se sont très nettement améliorées, notamment avec la signature des Accords d’Abraham organisés par les États-Unis à l’initiative de l’administration Trump, le 22 décembre 2020. Cet accord marque la reprise et la normalisation des rapports diplomatiques et commerciaux entre Rabat et l’État hébreu. Les raisons de ce rapprochement sont nombreuses, mais, un des éléments clé à cette décision semble être la promesse de reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur le territoire du Sahara occidental. En effet, afin d’encourager le Maroc à normaliser ses relations avec l’État d’Israël, important allié des États-Unis au Moyen-Orient, l’administration de Donald Trump a promis à Mohammed VI un soutien des États-Unis dans l’effort marocain de récupération du Sahara.
À la suite de ces accords et de la reprise des échanges entre les deux pays, Israël a également reconnu le 17 juillet 2023 la souveraineté de Rabat sur le Sahara occidental, vu comme un nouveau succès diplomatique marocain.
Un rejet du Sahara marocain comme fissure de relations : Les exemples de l’Algérie et de la Tunisie
À l’opposé du renforcement diplomatique entre le Maroc et certains États prêts à reconnaître sa légitimité, le royaume chérifien limite d’autres de ses relations internationales, comme celle qu’il entretenait avec l’Algérie.
Les relations entre Rabat et Alger sont depuis la décolonisation complexes et conflictuelles, avec des épisodes de haute confrontation comme la guerre des Sables de 1963.
L’un des problèmes fondamentaux de ce rapport tendu est la question du Sahara occidental. En effet, au-delà d’être un État spectateur ayant une opinion politique sur le conflit, l’Algérie en est un véritable acteur. De par son idéologie anticoloniale et les intérêts économiques du territoire sahraoui, Alger soutient depuis le début du conflit le front Polisario. Ce dernier ayant prêté au groupe indépendantiste une mince partie de son territoire près de la frontière marocaine (à proximité de Tindouf) afin que le front de libération puisse en faire son quartier général ainsi qu’un camp de refuge pour la population sahraouie. En raison de cette relation unique et du fort soutien algérien pour le Front Polisario, les tensions entre le Maroc et son voisin n’ont pas été apaisées. De plus, depuis la normalisation des échanges israélo-marocains, État que l’Algérie ne reconnaît pas, les divergences entre Rabat et Alger se sont encore creusées.
Ces tensions en sont même arrivées à leur apogée le 24 août 2021, Alger annonçant une rupture des relations diplomatiques entre les deux acteurs. Deux ans après cet arrêt et avec des tentatives vaines de rapprochement de Mohammed VI vers l’Algérie, le président algérien a déclaré au média Al-Jazeera que les relations algéro-marocaines avaient atteint un point de non-retour.
Le Maroc envoie également des avertissements diplomatiques aux États ne respectant pas sa perception sur la question du Sahara occidental. Un exemple de ces rappels à l’ordre est celui de la Tunisie, qui, en août 2022, a invité le dirigeant du front Polisario à échanger avec le président tunisien, Kais Saied. En réaction à cette invitation, le Maroc a décidé de rappeler son ambassadeur de Tunis, suivi le lendemain d’une action similaire du gouvernement tunisien concernant son ambassadeur au Maroc.
La question du Sahara occidental est donc depuis sa décolonisation au cœur de la politique marocaine et est un prisme essentiel à travers lequel le roi Mohammed VI envisage les relations du pays qu’il gouverne, parfois amicales comme avec la normalisation de ses rapports à Israël ou au contraire hostiles comme le montrent la relation algéro-marocaine ainsi que la situation tunisienne.
Malgré plus de soixante ans de conflit et d’une mission de l’ONU, la situation du Sahara occidental semble stagner, et l’opinion internationale polarisée. Ainsi, peu de prévisions claires peuvent être faites sur les années à venir pour le territoire. D’une part, un référendum d’autodétermination semble de moins en moins probable et la situation plutôt favorable au Maroc contrôlant déjà une vaste partie de son territoire et étant soutenu par des États clés du système international. Mais, d’autre part, l’ONU continue d’organiser des rapports internationaux à ce sujet et pourrait décider de reprendre une main plus ferme sur le territoire, le Front Polisario continue de se battre pour l’indépendance du Sahara occidental et les sahraouis de protester dans le monde.
Enfin, au sujet du futur comportement marocain, nous pouvons nous attendre à des relations restant influencées par la question du Sahara dans les années à venir et il sera essentiel d’observer comment Rabat va conduire ses liens politiques, surtout avec ses pays voisins africains et moyen-orientaux, notamment dans le cadre du conflit israélo-palestinien actuel.
Édité par Natacha Soto
Ambre Abou Daher is in her third and final year at McGill University, currently pursuing a B.A. in Political Science as well as in Psychology with a minor in World Cinemas. She is a 2023-2024 staff writer for Catalyst and has a particular interest for human rights, geopolitics and regional politics of the Middle East and North Africa (MENA).