En 2022, le Sommet sur la transformation de l’éducation organisé par l’ONU a mis l’accent sur l’importance de l’éducation dans le programme politique mondial. En effet, le secrétaire général a invité les pays présents à rendre les systèmes d’éducation plus inclusifs et à consacrer minimum 15% de l’aide publique au développement de l’éducation. Ce jour-là, sur les chaises de l’ONU, le ministre vietnamien de l’Éducation, Nguyên Kim Son, pouvait se sentir fier de sa nation qui semble être un exemple en termes d’éducation. Cependant, en regardant de plus près, nous pouvons voir que des progrès restent à faire.
Au premier abord, il semble que le Vietnam soit un exemple en termes d’éducation. En effet, l’héritage confucéen de ce pays datant de l’occupation par la Chine jusqu’en 936 valorise le savoir et la connaissance dans la culture vietnamienne. Le confucianisme était l’une des plus grandes écoles philosophiques et morales, prisée parmi les élites. Cet héritage se retrouve aujourd’hui dans la place prépondérante qu’occupe le système éducatif dans la société vietnamienne. L’école primaire est officiellement gratuite, ce qui permet à 96% des enfants vietnamiens âgés de 9 ans à 11 ans d’aller à l’école. De même, le Vietnam veille à ce que 16% du budget national annuel soit investi dans l’éducation. Ces investissements permettent aux écoles primaires et secondaires d’avoir des technologies de pointe avec des professeurs calibrés. Ces investissements et ces mesures prises par le gouvernement se reflètent dans le niveau des élèves, particulièrement impressionnant. En effet, selon la Banque mondiale, le niveau en mathématiques et en science des étudiants vietnamiens est bien supérieur à celui des enfants canadiens ou britanniques du même âge. Par ailleurs, de plus en plus d’universités vietnamiennes, telles que l’université nationale de Hanoï ou l’université nationale de Hô Chi Minh-Ville, se classent dans la liste des meilleures universités du monde selon le Times. Grâce à ces mesures, le Vietnam peut se vanter d’avoir réussi à augmenter le taux d’alphabétisation dans son pays qui est d’aujourd’hui de 96%.
Cependant, si les grandes villes, telles que Hô Chi Minh-Ville, bénéficient d’infrastructures éducatives très développées, les zones rurales peinent à garder les enfants à l’école. En effet, les minorités vivant dans les montagnes ou dans des terres reculées géographiquement ne bénéficient pas des mêmes avantages. Dans ces lieux, les enfants n’ont quasiment pas accès à l’éducation, ce qui est dû à divers facteurs. Tout d’abord, les écoles sont très souvent trop éloignées et le trajet trop complexe et trop long. Ensuite, les minorités des montagnes parlent leur propre dialecte, différent de la langue officielle qu’est le vietnamien. En effet, au Vietnam, cinq langues autochtones sont reconnues : les langues austro-asiatiques, les langues taï-kadaï, les langues hmong-mien, les langues sino-tibétaines et les langues austronésiennes. Cependant, seul le vietnamien est pratiqué dans les écoles. Le paradoxe est évident ici : certains enfants sont censés apprendre dans des écoles où seule cette langue inconnue est pratiquée. De plus, si l’école primaire est gratuite, ce n’est pas le cas de l’école secondaire. Ainsi de nombreux foyers ne peuvent pas se permettre l’accès à l’école secondaire et la solution qui s’impose est pour ces enfants d’aller travailler afin d’aider leur famille financièrement. Au Vietnam, 16% des enfants âgés entre cinq et quatorze ans travaillent et ainsi ne vont pas à l’école. Le Vietnam est l’un des premiers pays asiatiques à avoir ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant de l”ONU et mis en place un programme afin d’éviter le travail des enfants. Ce programme repose aujourd’hui majoritairement sur la sensibilisation au niveau des familles et des employeurs légaux, par exemple dans les plantations. Les effets semblent tarder à arriver parce que de nombreux enfants sont employés pour faire des travaux illégaux, tels que la prostitution ou la vente de drogue, malgré les efforts des programmes de sensibilisation. De même, en raison de la main-d’œuvre manquante au Vietnam, le pays autorise certains enfants de certaines classes d’âge à effectuer certains travaux, toujours en précisant que cela ne devrait pas impacter l’éducation. Enfin, en réponse aux sondages officiels qui stipulent que 96% des Vietnamiens sont alphabétisés et que la quasi-totalité des enfants va à l’école, il faut considérer le nombre d’enfants non recensés. Au Vietnam, 12% des enfants ne seraient pas recensés. En effet, de nombreux parents habitants dans les montagnes n’enregistrent pas leurs enfants à temps, car le trajet pour le faire est trop long ou parce qu’il ne peuvent se permettre de rater une journée de travail. En réponse à cela, le Vietnam allonge souvent la durée légale de recensement, qui est aujourd’hui d’un mois, mais cela ne semble pas résoudre le problème.
En somme, si le Vietnam semble avoir les fondations adéquates pour un système éducatif bien développé, la dualité de l’éducation au Vietnam entre les centres urbains et ruraux est une réalité complexe qui mérite une attention plus poussée. Résoudre cette dualité nécessite un investissement à plusieurs niveaux : les investissements nationaux devraient se tourner de plus en plus vers les zones rurales et se diversifier afin de répondre aux différentes problématiques. En s’adaptant aux contraintes modernes que sont le travail de l’enfant, la barrière de la langue ou encore la pauvreté grandissante dans des régions isolées géographiquement, le Vietnam peut bâtir un système éducatif plus égalitaire qui sur le long terme pourrait concurrencer les meilleurs au monde.
Édité par Jeanne Arnould
Margaux is a second-year student at McGill University. Originally from Marseille, she is double majoring in political science and economics and minoring in Russian studies.