Les BRICS, constitués du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud, ont émergé comme un groupe de nations remettant en question la suprématie traditionnelle des puissances occidentales sur la scène mondiale. Bien que la naissance de leur acronyme, « BRIC », par l’économiste Jim O’Neill, soit anecdotique, ce groupe représente une avancée fondamentale vers un monde plus impartial et multipolaire.
Le sommet récent qui s’est tenu en Afrique du Sud du 22 au 24 août a mis en lumière la nouvelle feuille de route adoptée par les BRICS pour leur développement. Avec l’ajout de nouveaux membres tels que l’Argentine, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Égypte, l’Éthiopie et l’Iran, ce bloc représente désormais 46 % de la population mondiale et plus d’un tiers du PIB mondial. Cette expansion marque une avancée significative dans l’évolution des BRICS et représente une transformation majeure du paysage mondial.
Il témoigne d’un besoin profond des nations du Sud global : la quête d’un système mondial plus équitable, répondant aux intérêts d’un plus grand nombre de pays. En 15 ans d’existence, cette alliance informelle a réussi à se solidifier et à gagner en légitimité, promettant de révolutionner et de remodeler le monde.
La question qui se pose est la suivante : pourquoi les BRICS cherchent-ils à établir un système alternatif ?
La recherche d’un système alternatif
Si le système actuel, sous contrôle des États-Unis, a apporté une stabilité au monde pendant des décennies, il a également souvent été considéré comme déséquilibré, particulièrement par les pays de l’Europe de l’Est et du Sud global. Les États-Unis ont une influence considérable au sein de ces institutions financières internationales, en raison de leur contribution financière significative et de leur poids politique. Cette influence peut orienter les politiques et les conditions des prêts et aides financières selon leurs intérêts économiques et politiques. Cette domination américaine peut parfois limiter la flexibilité et l’adaptabilité des aides financières pour répondre aux besoins spécifiques des pays bénéficiaires.
En effet, l’aide financière, provenant notamment de la Banque mondiale et du FMI, s’accompagne fréquemment de conditions inadaptées à la situation réelle du pays bénéficiaire. De plus, les taux d’intérêt élevés imposés dans le cadre des programmes d’ajustement structurel (PAS) ont souvent entraîné davantage de difficultés que de solutions. Un exemple particulièrement notable de l’impact des PAS et des taux d’intérêt élevés est celui de la crise de la dette en Amérique latine dans les années 1980, souvent appelée la « décennie perdue » pour la région.
Dans les années 1970, la région avait massivement emprunté à des taux d’intérêt faibles, mais une hausse ultérieure des taux d’intérêt globaux a alourdi le fardeau de la dette. Face à cette crise de la dette, le FMI et d’autres créanciers ont offert des prêts pour aider ces pays à rembourser leurs dettes, conditionnés à la mise en œuvre des PAS. Ces programmes imposaient des mesures telles que la libéralisation des échanges et la privatisation des entreprises d’État. Par exemple, l’Argentine, qui était déjà en récession à l’époque, a dû augmenter ses taux d’intérêt pour stabiliser sa monnaie et contrôler l’inflation. Cela a rendu le service de la dette encore plus onéreux et a étranglé les entreprises locales qui ne pouvaient plus emprunter à des taux raisonnables. Les PAS, combinés aux taux d’intérêt élevés, ont aggravé la récession dans de nombreux pays d’Amérique latine. La croissance économique a stagné ou a été négative, le chômage a augmenté et la pauvreté s’est intensifiée.
Il semble essentiel de trouver une alternative, d’autant plus que le G7, un groupe de sept pays industrialisés –Canada, France, Allemagne, Italie, Japon, Royaume-Uni et États-Unis – qui se réunissent annuellement pour discuter et formuler des politiques sur des questions économiques et mondiales majeures, ne reflète pas de manière adéquate la diversité politique, économique et démographique du monde. Les BRICS se posent ainsi en forum alternatif pour les pays qui ne se reconnaissent pas dans les enceintes traditionnellement contrôlées par les puissances occidentales. Avec l’ouverture à de nouveaux membres, leur influence grandissante et leur poids économique encourageront davantage de nations à rejoindre cette initiative.
La remise en question des règles de la géopolitique mondiale
En effet, ce groupe remet en question les règles de la géopolitique mondiale et est devenu un contrepoids significatif aux puissances occidentales, tant sur le plan économique que politique.
Sur le plan économique, les BRICS ont connu une croissance spectaculaire. La Chine, en particulier, est devenue la deuxième économie mondiale, défiant la suprématie économique des États-Unis. En combinant leurs PIB, les BRICS rivalisent désormais avec les États-Unis et l’Union européenne, les deux piliers traditionnels de l’économie mondiale. Cette montée en puissance économique a entraîné un déplacement du centre de gravité économique mondial vers l’est, remettant en question la domination occidentale dans ce domaine.
Sur le plan politique, ces pays adoptent une approche à deux volets. D’une part, les BRICS ont exprimé leur désir de réformer les institutions internationales existantes, telles que les Nations Unies et le Fonds monétaire international (FMI), où ils plaident pour une redistribution du pouvoir, ce qui pourrait considérablement modifier le paysage diplomatique mondial. D’autre part, le bloc entreprend des initiatives visant à établir un nouveau système financier, tout en renforçant l’indépendance des monnaies nationales en vue de préparer la mise en place d’une monnaie commune. Stimuler l’utilisation des devises nationales dans les transactions contribue à diminuer la dépendance au dollar américain. Ainsi, les BRICS ont créé la Nouvelle Banque de Développement (NDB) qui encourage l’utilisation des monnaies locales et qui sert de prêteur en finançant des projets à des taux avantageux, se positionnant ainsi comme rival au FMI.
En plus de ces bénéfices concrets, les BRICS ont octroyé une plus grande influence à leurs membres ainsi qu’aux pays du Sud, façonnant un tout nouveau récit géostratégique et nourrissant l’espoir d’un nouvel ordre mondial à venir.
Divergences au sein des BRICS
À cet égard, les membres des BRICS partagent un intérêt commun : ils aspirent à établir un ordre mondial alternatif, distinct de celui dirigé par les États-Unis. Cependant, des désaccords peuvent se manifester en ce qui concerne l’analyse et la position sur plusieurs questions, en particulier entre l’Inde et la Chine.
Un exemple significatif de ces divergences se trouve entre l’Inde et la Chine, deux nations voisines partageant une frontière considérable et ayant connu des conflits territoriaux dans le passé. Ces différends territoriaux revêtent une importance cruciale pour la réalisation de leurs ambitions communes. La question de la création d’une monnaie BRICS illustre les débats intenses qui animent ces deux partenaires. Tandis que la Chine penche en faveur d’une avancée rapide, l’Inde préfère une approche prudente, reconnaissant les profondes répercussions que cela pourrait avoir sur les économies des pays membres ainsi que sur l’économie mondiale.
Toutefois, l’occident regarde l’avancement de ce nouvel ordre mondial avec inquiétude. En effet, les BRICS, en élargissant leur union et en renforçant leur présence sur la scène mondiale, remettent en question la suprématie américaine et occidentale qui a prévalu pendant des décennies. Cette nouvelle dynamique crée un paysage géopolitique multipolaire complexe, offrant des opportunités et des défis. L’avenir de la coopération entre les BRICS et leur impact sur le monde dépendront de leur capacité à naviguer dans ce nouvel ordre mondial et à résoudre les différends potentiels au profit de la stabilité et de la prospérité mondiales.
Édité par Jeanne Arnould
Samia is a dedicated third-year student, double majoring in Economics and Political Science. With a focus on international relations and economic development, she harbors a special interest in the Middle East, Latin America, and Africa. Passionate about unraveling the socio-economic intricacies of these regions, Samia aspires to contribute innovative solutions to their unique challenges. Her academic pursuits reflect a commitment to understanding and influencing the global intersections of politics and economics, aiming to play a significant role in fostering sustainable development and stability.