Le jeudi 30 septembre 2021, des milliers de Canadiens et Canadiennes se sont réunis en solidarité et ont porté le gilet orange pour la journée de la vérité et de la réconciliation. Pour une journée complète, les Canadiens et les Canadiennes ont dû penser au vécu, à l’histoire des peuples autochtones, mais surtout aux atrocités et aux injustices qu’on subit et continuent à subir les Premières Nations. Depuis cette journée, avez-vous repensé à la douleur rattachée à faire le deuil de son enfant ? Avez-vous repensé à tous les enfants qui ont vécu de l’abus physique et sexuel et des répercussions dans leur vie ? Pour la plupart, la réponse est non. Ces atrocités sont facilement oubliées et l’ignorance refait rapidement surface. Ce n’est pas le cas pour les peuples autochtones ! Ce n’est pas une réalité de laquelle ils peuvent s’enfuir ni facilement oublier. Et encore, connaissez-vous l’histoire de Phyllis Webstad et l’origine du gilet orange ? Combien d’entre nous pensons en premier lieu à l’exemption des taxes, aux droits de chasse, aux gratuités accordés, aux problèmes de consommation lorsque les termes « Amérindiens », Premières Nations, et peuples autochtones sont employés ? Vos préjudices, ont-ils vraiment changé depuis votre publication sur Facebook ou Instagram ou le port de votre chandail orange le 30 septembre ? Êtes-vous toujours aussi ignorant à l’enjeu des peuples autochtones ? Malgré le fait que ces questionnements peuvent être perçus comme une attaque à la personne, cela n’est pas le cas. En fait, ces questionnements ne servent qu’à miroiter un enjeu que plusieurs problèmes sociaux et mouvements importants font face dans notre société canadienne.
Ce problème est le « slacktivism » ou l’activisme mou. Ce terme fait référence aux gens qui démontrent leur soutien pour une certaine cause en cliquant le bouton « J’aime » ou en portant un vêtement. Un exemple bien reconnu est le port du ruban rose pour le cancer du sein. Le port du chandail orange pour la journée de vérité et réconciliation est aussi un exemple. Dit différemment, un « J’aime » sur Facebook ou Instagram ou un retweet est suffisant pour que le participant peut se dire qu’il a fait sa part pour soutenir la cause. Néanmoins, certains diraient que les publications poussent la société à avoir certaines discussions. Cela n’est pas un tort! Mais un « J’aime » n’inspire guère la mobilité ni l’action ni le changement de la perception publique. De plus, l’activisme mou est surtout associé aux médias sociaux donc ce genre d’action dépend sur des relations à « lien faible ». Les organisateurs des mouvements recherchent la participation d’une communauté d’abonnées qui ne se connaissent point. Ces plateformes forment alors des réseaux lâches avec aucun vrai engagement les uns vers les autres ce qui est incompatible avec le besoin significatif d’une structure organisationnelle solide et robuste de l’activisme. Ces activistes ne sont pas ceux qui prendront leur samedi pour faire du bénévolat ni calculer auprès de leur budget un don à un organisme, ce sont ceux qui reste dans le confort des écrans de leurs appareils électroniques. Il ne faut pas oublier que la journée de réconciliation a vu le jour à cause de la découverte de plusieurs milliers de sépultures non marqués et de la revendication et de la mobilisation des peuples autochtones et non grâce aux « J’aime » sur Facebook.
Néanmoins, il ne faut pas discréditer l’impact positif du « slacktivisme ». Une étude produite par des étudiants de l’université de la Colombie-Britannique convient que dans certains cas le « slacktivisme » peut conduire des participants à s’engager de façon plus significative. Par contre, l’étude en conclue que cela est seulement le cas si la cause reflète les convictions privées des participants. En résumé, il en conclut que si l’on désire transformer les « slacktivistes » en militants engagés l’on doit promouvoir les valeurs sous-jacentes des mouvements. Dans cette ligne d’idées, le « slacktivisme » est donc un catalyseur d’activisme significatif. Si comme plusieurs, vous vous rendez compte que le port de votre chandail orange était en fait une forme de « slacktivisme », rassurez-vous vous n’êtes pas seul !
En fait, la journée du chandail orange existe depuis plusieurs années. En Colombie-Britannique, l’an 2013 était la première année aux quelques écoles ont souligné cette journée importante en portant le gilet orange. Il y a plusieurs années, cette idée du port du gilet orange a fait surface. Malgré l’âge de ce mouvement et de l’existence de plusieurs pages et groupes Facebook, cette journée n’était pas reconnue par tous. En fait, la majorité des Canadiens, avant cette année, n’étaient pas informés sur la nature des écoles résidentielles et des abus que pouvaient subir les étudiants. Il a donc nécessité la découverte de plusieurs centaines de corps d’enfant pour que notre Nation se réveille et adresse les enjeux liés aux pensionnats autochtones. En bref, des « J’aime » sur Facebook et Instagram n’étaient pas suffisants. Il a fallu cette horrible découverte pour que la voix des peuples autochtones soit entendue, soit écoutée par tous. Cela dit, malgré ces découvertes et le nombre grimpant de corps retrouvés, les peuples autochtones luttent pour se faire entendre et reconnaître. Les peuples autochtones ont finalement une voix, une place au niveau politique. Encore plus, nous, en tant que société canadienne, les voyons ! Après tous ces années de négligence, allons-nous réellement demeurer ignorants ou allons-nous agir ?
Maintenant, comment fait-on pour éviter que la cause du gilet orange comme plusieurs autres soit balayée sous le tapis ? Qu’est-ce que le Canada peut faire pour assurer que l’histoire des pensionnats ne tombe jamais dans l’oubli ? Bref, que faire pour que les gens adoptent une forme d’activisme plus significative au lieu du « slactivisme » que nous voyons de plus en plus ? Il n’y a peut-être pas de bonne réponse ni de réponse absolue, mais l’éducation me semble être un bon départ. Néanmoins, lorsque j’emploie le terme éducation, je ne veux pas dire un curriculum établi par des hommes d’affaires qui se base sur l’ignorance et des assomptions. Par éducation, je veux dire une réforme du curriculum qui inclut l’éducation autochtone. L’éducation autochtone peut prendre diverses formes comme des sorties scolaires en nature ou sur les réserves, des ateliers d’artisanat, l’accueil d’invités autochtones qui visent la sensibilisation, les possibilités sont infinies. Chaque province à sa propre histoire avec les peuples autochtones donc cette éducation devrait miroiter ces distinctions. En gros, ce genre d’éducation serait établi par les peuples autochtones et monté tout en abordant leurs visions du monde, leurs traditions, leurs coutumes et la terre. De cette façon, l’éducation autochtone sera une approche du bas vers le haut et évitera le perpétuer un mouvement de biaisement. Le gilet orange ne symbolise pas seulement les pensionnats et leurs victimes, mais aussi un problème plus vaste, soit celui du racisme systémique. N’est-il pas temps pour une réforme d’un système qui a peu changé dans les derniers 50 ans et qui est basé sur l’Eurocentrisme ?
Pour conclure, l’activisme mou est un enjeu que les peuples autochtones doivent affronter à base régulière. Engager des gens à se mobiliser et participer à des formes d’activisme significatives est une lourde tâche. Dans tous les cas, il n’y a pas de réconciliation sans vérité. Donc, une réforme éducative me semble comme l’approche la plus approprié. Cela dit, ce n’est qu’une opinion. Par contre, une chose est certaine, il est temps pour un changement et des « J’aime » sur Facebook ne sont pas la solution.
Éditeur: Augustin Bilaine