Le Covid-19 a fait fuir les travailleurs étrangers et le Brexit les empêchent de revenir
La crise du Covid-19 a provoqué partout dans le monde des mouvements migratoires de “retour chez soi”. Au Royaume-Uni, selon une étude menée par l’Economic Statistics Centre of Excellence de l’Office for National Statistics, 1.3 millions de travailleurs étrangers ont quitté leur domicile pour retrouver leur pays d’origine. Ce phénomène s’est produit partout, la mondialisation facilitant les mouvements de migration depuis plusieurs décennies. Le retour à la normale s’est avéré toutefois plus compliqué au Royaume-Uni, les premiers effets du Brexit se faisant alors sentir. Jonathan Portes, professeur d’économie à King’s College, explique dans Radio-Canada : “Beaucoup de gens sont rentrés à la maison pendant la pandémie. Cela n’avait rien à voir avec le Brexit. Mais maintenant, ils choisissent de ne pas revenir, et ça, c’est dû au Brexit.” L’argument premier des Pro-Brexit était la limitation de l’immigration au Royaume-Uni, en vue d’une part, de diminuer la concurrence de main-d’œuvre, et d’autre part, de provoquer une augmentation des salaires des britanniques. Selon L’Express, (un journal français prônant le libéralisme économique et plutôt politiquement à droite), le patron de Mark & Spencer avait d’ailleurs admis avec regret qu’une baisse de la main d’oeuvre entraînerait potentiellement une hausse des salaires – du moins, en théorie…
Depuis Septembre, et la reprise normale de l’économie mondiale après la pandémie, la théorie rencontre la réalité. La majorité des travailleurs étrangers ont été découragés par les nouvelles réglementations post-Brexit. La majorité d’entre eux a donc renoncé à revenir sur le territoire, et le Royaume-Uni fait face depuis début septembre à une grave pénurie de main-d’œuvre. Celle-ci a touché en premier le secteur des transports mais s’étend maintenant à de nombreux autres secteurs économiques. Selon un article de Courrier International, il manquerait environ 60 000 chauffeurs de camions pour approvisionner le pays en essence mais également pour assurer la chaine d’approvisionnement. La pression est de plus en plus forte sur les entreprises qui ne peuvent pas fonctionner à pleine capacité. Alors qu’une relance économique post-covid aurait été la bienvenue, le gouvernement aussi se trouve également paralysé par le manque de main d’œuvre.
Le Royaume-Uni, pas si indépendant que ça ?
Alors, la crise économique Post-Brexit annoncée par beaucoup est-elle arrivée, et au pire moment, alors que le monde se relève enfin de la pandémie ? Tandis que le gouvernement conservateur de Boris Johnson a voulu le nier, l’économie britannique est également portée par les étrangers, et ce depuis longtemps. Selon un article du Devoir, les Européens de l’Est étaient très présents dans le commerce, le service, le transport et l’alimentation. Changer la main-d’œuvre d’un pays ne peut se faire en un jour, ni en une année. Tandis que le pays se trouve soudain amputé d’une partie importante de ses travailleurs, le gouvernement a enfin compris qu’il serait inutile de fermer les yeux sur cette crise. Les salaires n’augmentent pas tout seul et les emplois laissés vacants par les étrangers ne sont pas soudainement pris par des anglais. Boris Johnson reconnaît ainsi, d’une certaine façon, l’importance de l’immigration et des étrangers dans le fonctionnement et la croissance économique de son pays : il a récemment accordé 10 500 nouveaux visas et assouplit les restrictions vis-à-vis de l’immigration. Ce retour en arrière pour le gouvernement et pour les Pro-Brexit en dit long sur les illusions des partisans anti-UE et anti-immigration.
Un retour en arrière : le pouvoir aux travailleurs !
De nouveaux permis de travail ont également été accordés aux conducteurs de camions, ce qui était absolument essentiel, l’armée ayant même été réquisitionnée pour aider à réapprovisionner les stations essences.
D’une façon inédite, les travailleurs étrangers en Angleterre semblent aujourd’hui en position de force, opérant un retournement de situation qui n’avait pas été anticipé. Le Royaume-Uni est connu pour son approche libérale du travail, imposant peu de restrictions sur les horaires et la durée du travail, et encadrant peu les salaires qui peuvent être très bas. Les travailleurs ne peuvent bénéficier d’une réelle protection sociale, ils sont traditionnellement sous représentés et ont ainsi peu de poids pour faire face au patronat. Cela est d’autant plus vrai pour les travailleurs étrangers en situation irrégulière qui sont souvent des proies faciles pour les patrons britanniques qui les sous-payent ou les menacent d’exclusion. La pénurie de main d’œuvre post-Brexit place alors tous ces travailleurs en position de force, leur permettant de réclamer de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. “Qui a peur de la hausse des salaires ?” interroge ironiquement le journal Le Spectator en première de couverture, avec un dessin caricatural d’un travailleur debout et fier, entouré de patrons, rampant et tendant des liasses de billets. Cette crise, si elle n’affaiblit pas trop le pays, pourrait au final peser positivement sur les travailleurs, mais seulement si le gouvernement n’est pas trop opportuniste, et ne diabolise pas de nouveau le travail des étrangers lorsque la situation économique s’améliore.
Cette crise nous apprend également beaucoup sur la dépendance du Royaume-Uni au travail des immigrés. Elle peut également remettre en cause certains préjugés populistes sur l’immigration et la présence d’étrangers sur le marché du travail ; les avantages économiques dont le pays d’accueil bénéficie sont bien supérieurs à ceux des immigrés. Ce sont bien souvent eux qui pâtissent le plus de leur position d’immigré.
Alors, les autres pays européens doivent-ils retenir de cette crise que sortir de l’Union Européenne n’est pas une idée raisonnable ?
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