Deux semaines après la victoire sur le fil du “oui” au référendum sur l’UE organisé lors du premier tour des élections présidentielles, la Moldavie a confirmé dimanche 3 novembre 2024 sa trajectoire européenne en reconduisant sa présidente europhile Maia Sandu à l’issue d’une élection tendue. La candidate de 52 ans a recueilli 54,9% des voix, contre 45% pour Alexandr Stoianoglo, ex-procureur pro-russe de 57 ans. Comme lors des dernières élections législatives en Géorgie, une autre ex-république soviétique, la Russie a été accusée d’interférence dans le processus électoral, des allégations fermement démenties par le Kremlin. Cependant, cette fois-ci, le dénouement a été favorable au camp pro-européen. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a réagi rapidement en se déclarant “heureuse de continuer à travailler” avec Maia Sandu pour un “avenir européen”. Cet article raconte le déroulement de ces élections clés, en évoquant le contexte récent de la Moldavie, le référendum et le rôle controversé de la Russie.
Avant d’aborder en détail les élections de 2024 et le référendum, il est essentiel de rappeler le contexte historique des relations ambivalentes entre la Moldavie et la Russie, ainsi que le parcours étroitement lié de la Présidente Maia Sandu, désormais réélue. La Moldavie avait été intégrée à l’Empire russe dès 1812 et, après une parenthèse au sein du royaume de Roumanie, absorbée par l’URSS en 1940. Depuis son indépendance en 1991, les Moldaves ont longtemps été dirigés par des gouvernements voulant ménager à la fois Bruxelles et Moscou. Récemment, cette ancienne république soviétique s’est retrouvée dans une situation délicate, coincée entre l’Ukraine, envahie par la Russie en 2022, et la Roumanie, membre de l’OTAN.
Maia Sandu est connue comme une personnalité discrète et un sourire timide contrastant avec son courage et sa “détermination” à défendre un “cap clair” pour son pays face aux interférences de Moscou. Mais alors qui est Maia Sandu ?
Née sous l’URSS dans le village de Risipeni et diplômée en gestion et relations internationales, elle commence sa carrière au ministère de l’Économie puis part travailler pour la Banque mondiale. En 2012, elle revient en Moldavie et devient ministre de l’Éducation. En 2016, elle crée le Parti de l’action et de la solidarité (PAS) mais perd à la présidentielle. Elle entre tout de même au Parlement avant d’être brièvement nommée Première ministre et, à la suite d’un scandale de corruption spectaculaire, elle devient la première femme à remporter l’élection en 2020 avec 57,7% des voix.
En 2022, la guerre en Ukraine est un tournant clé: la présidente coupe radicalement les ponts avec Moscou, accueille des dizaines de milliers de réfugiés et tente un rapprochement avec l’UE. En juin 2023, elle marque les esprits en conviant 46 chefs d’États et de gouvernement pour le sommet de la Communauté politique européenne et un an plus tard, les négociations d’adhésion avec l’UE sont formellement ouvertes. En décembre de la même année, la présidente moldave demande au Parlement de “lancer l’organisation d’un référendum sur l’adhésion à l’automne prochain, au cours duquel la voix des citoyens serait décisive”. Ainsi, le dimanche 15 octobre 2024, les Moldaves ont été appelés à voter pour le premier tour des élections présidentielles, mais également à répondre à une question cruciale: “Soutenez vous l’amendement de la Constitution en vue de l’adhésion de la République de Moldavie à l’Union européenne (UE) ?”
Annoncé gagnant depuis des mois par les instituts de sondage, le « oui » ne paraissait alors plus qu’une formalité. Cependant, jusqu’au dernier décompte, lundi matin, le résultat s’est joué d’une extrême justesse: après avoir longtemps été devancé, le « oui » l’a finalement emporté pour quelques milliers de voix, notamment grâce aux bulletins de la diaspora qui a voté à 77 % en faveur de l’UE.
Quelques heures plus tôt, Maia Sandu était apparue devant les journalistes en accusant, sans la nommer, la Russie, d’être l’auteur d’une « attaque sans précédent contre la démocratie », évoquant une fraude visant l’achat de 300 000 votes.
En effet, depuis l’annonce de la tenue du référendum, la Russie mène une guerre hybride inédite en Moldavie. Au début de l’année 2024, dans la région séparatiste de Transnistrie, le Parlement de cette région russophone avait demandé la protection de Moscou, qui a répondu aussitôt que le sort de « compatriotes » lui importait au plus haut point. Une situation assez préoccupante car elle rappelle le prétexte de la défense des séparatistes russophones de l’est de l’Ukraine utilisé par l’armée russe pour justifier son invasion.
Ainsi, l’institut pour l’étude de la guerre nous informe que “le Kremlin cherche à utiliser la Transnistrie comme levier pour faire dérailler le processus d’adhésion de la Moldavie à l’Union européenne”. L’institut précise également que la situation de la Moldavie en 2024 est similaire à celle de l’Ukraine entre 2014 et février 2022. Par exemple, une des stratégies employées par le Kremlin a été d’affirmer que Chisinau, de manière similaire àKiev, persécutait les Russes ethniques et les russophones.
L’interférence de la Russie en Moldavie a également été observée par les institutions européennes: la Commission a estimé que “le vote avait eu lieu dans un contexte d’interférence et d’intimidation sans précédent de la part de la Russie (…) visant à déstabiliser le processus démocratique” en Moldavie.
Outre l’achat massif de votes, il convient de rappeler le rôle joué par l’oligarque israélo-moldave pro-russe, Ilan Shor. Récemment condamné pour fraude après avoir tenté de corrompre au moins 130 000 électeurs, il a nié toute faute. Ces trois derniers mois, il aurait également dépensé plus de 136 000 euros pour financer sur Facebook des campagnes discréditant l’intégration de la Moldavie à l’UE et soutenant la Russie.
Finalement, en reconduisant Maia Sandu à la présidence et en approuvant de justesse l’amendement constitutionnel en faveur de l’adhésion à l’Union européenne, la Moldavie confirme sa volonté de s’ancrer dans une trajectoire européenne, malgré les pressions et interférences de la Russie. Ce vote décisif marque un tournant dans l’histoire récente du pays, symbolisant son choix de se rapprocher de l’Europe face à des défis sécuritaires et géopolitiques majeurs.
Éditée par Yara Daher.
Cet article a été écrit par un membre de l’équipe rédactionnelle. Catalyst est une plateforme dirigée par des étudiants qui favorise l’engagement avec les enjeux mondiaux dans une perspective d’apprentissage. Les opinions exprimées ci-dessus ne reflètent pas nécessairement les points de vue de la publication.