La situation des personnes en situation d’itinérance, s’est-elle améliorée depuis le début de la pandémie ?
Le 18 septembre 2020, alors que la pandémie n’affecte Montréal que depuis 6 mois, il est rapporté que l’itinérance dans la “l’île aux mille rochers” a déjà doublé. Le gouvernement québécois de François Legault annonce un transfert de fonds de 1.8G$ pour tenter d’améliorer la situation de plus en plus inquiétante. Malheureusement, un an plus tard, peu de changements positifs sont constatés. Les conséquences de la pandémie sur les personnes en situation d’itinérance et leur prise en charge sont catastrophiques. La majorité des refuges de Montréal ont dû diminuer leur capacité d’accueil afin de respecter les mesures de distanciation sociales dès le début de la crise, et n’ont pas pu revenir à la normale depuis. De plus, le gouvernement n’a pas su apporter l’aide nécessaire aux personnes qui se sont retrouvées en situation précaire à cause de la pandémie, de nouveaux profils de personnes se retrouvent alors à la rue.
Alors qu’un an s’est écoulé depuis les premiers signes de l’augmentation de l’itinérance à Montréal, peu de choses ont changé. Des mesures d’urgence, dont le fait de mettre en lien des hôtels vides à disposition des personnes en situation d’itinérance, ont été mises en place, mais celles-ci n’étaient pas vraiment durables. Les actions du gouvernement n’ont pas permis une augmentation du nombre de logements sociaux. La vague Omicron est un autre coup dur, d’autant plus qu’elle arrive au même moment que l’hiver commence à Montréal. Les personnes en situation d’itinérance ne peuvent alors plus dormir dans la rue, leur survie en dépend.
Le président de la Mission Old Brewery James Hughes, le plus grand refuge pour hommes sans-abri au Québec et la plus grande du Canada pour les femmes sans-abris, expliquait qu’elle accueillait ainsi des personnes atteintes du Covid-19 dans des conditions dangereuses : “Dans des refuges comme la Old Brewery, nous devons créer des zones rouges. Et c’est très dangereux : on laisse des gens ayant la COVID dans nos établissements […] en attendant des places à l’hôtel des quarantaines.” A ce jour, la situation ne s’est pas améliorée.
Bien que la majorité de la population se remet peu à peu de la pandémie, les conséquences de cette dernière sur les personnes en situation d’itinérance ont un impact à long-terme. Pour pallier le manque de logements, de ressources, de soins et de personnel pour ces populations vulnérables, des actions fortes du gouvernement seraient nécessaires. De plus, depuis la fin de la pandémie, l’inflation est importante et les premières populations touchées par l’augmentation des prix sont les personnes en situation précaire. Finalement, bien que nous ressentions tous cette impression de retour à la normale et de liberté, provoquée par le relâchement des mesures pour lutter contre la pandémie, la situation des personnes en situation d’itinérance ne s’est pas améliorée, et à même empiré, maintenant que des mesures d’urgence ne sont plus mises en place.
Le “retour à la normale” pour les populations en situation d’itinérance n’arrivera pas, tant que le gouvernement n’agira pas.
Quel est le visage de la pauvreté à Montréal ?
En tant qu’étudiante de première année à McGill, j’habite à New Residence Hall, une résidence située sur l’avenue de Parc, tout près du Parc Jeanne Mance. Près de chez nous, une église abrite l’association The Open Door, qui accueille des personnes en situation d’itinérance et leur propose des services. Nous pouvons ainsi croiser tous les jours cette population vulnérable dans la rue, toute la journée, sauf quand il pleut, et nous sommes choqués par cette image de la précarité qui touche une grande partie de la population montréalaise. En 2011, un recensement a révélé que Montréal abrite un taux de personnes à faible revenu plus élevé que toutes les autres grandes villes canadiennes. 29% de la population vivrait sous le seuil de faibles revenus, dans une situation précaire, et cela est d’autant plus inquiétant quand on sait à quoi ressemble un hiver à Montréal. Ainsi, comme on peut le voir sur l’avenue du Parc, près de l’église de The Open Door, lorsque les refuges sont surpeuplés, les personnes restent tout de même autour des foyers, dans l’espoir que des places se libèrent, car il est impossible de dormir dehors. Le froid extrême prend des vies tous les ans.
Certaines populations, victimes de leur identité, sont plus vulnérables face à la précarité
La pauvreté à Montréal n’est en plus pas égalitaire. Elle touche plus certaines populations, car la pauvreté persistante entraîne souvent un certain cumul de vulnérabilités socio-économiques et de santé qui se transmettent souvent à la génération suivante. Et historiquement, les populations les plus touchées par l’itinérance à Montréal sont les populations autochtones.
Dans les années 1950/1970, de plus en plus de personnes des premières nations arrivent dans les milieux urbains. Puis, dans les années 1980, la migration des Inuits en milieu urbain commence à son tour. Pour les Inuits, cette migration s’explique notamment par une crise du logement sur leur territoire, Nunavik. On y observe aussi une carence en matière de soin qui a un impact sur leur situation à Montréal. Cette migration est également provoquée par le fait qu’il n’y a pas de centre de détention sur les territoires inuits. Ainsi, les individus sont déplacés en dehors de leur territoire, et quand ils finissent leur peine, ils ne sont pas rapatriés chez eux.
Quelles que soient les raisons de leur arrivée à Montréal, les populations autochtones ne sont pas accompagnées par la population locale. Or, sans attache locale, ils sont isolés de leur culture et de leur peuple. La transition et l’adaptation sont ainsi compliquées.
Aujourd’hui, seule la moitié des Inuits occupent un emploi, et ce, souvent dans des organisations ou organismes inuits. Par conséquent, là où 1 personne autochtone sur 15 est victime de l’itinérance, seulement 1 personne sur 128 du reste de la population en est victime. Sur les 10% de la population urbaine à Montréal qui est en situation d’itinérance, 40% est Inuit. Ces statistiques sont choquantes, car nous avons souvent l’impression que le génocide des populations autochtones appartient au passé, et que celui-ci ne devrait plus avoir de conséquences aujourd’hui. Pourtant, en plus de porter le poids d’un traumatisme intergénérationnel, ces populations souffrent encore grandement d’autres discriminations systémiques. Par exemple, les populations autochtones font face à de nombreuses barrières pour accéder à des services sociaux et de santé culturellement adaptés dans les régions métropolitaines canadiennes. Leur accès à l’éducation est également plus compliqué, à cause des différences linguistiques et culturelles, et le manque d’accompagnement des jeunes de familles plus précaires ou n’ayant pas reçu une éducation occidentale. Les individus qui arrivent à Montréal sont alors livrés à eux-mêmes et ne parviennent pas à s’adapter à ce milieu qu’ils ne connaissent pas, qui ne les connaît pas et ne les aide pas à sortir de la précarité. Finalement, les autochtones gagnent environ 10000$ de moins par années que les non-autochtones, et leur durée de vie moyenne est environ 10 ans plus basse que celle de la population générale.
Au Canada, comme partout dans le monde, les discriminations subies par certaines populations sont encore plus marquées pour les femmes. Les femmes autochtones sont plus touchées par les difficultés d’accès aux services, et les femmes en général sont sur-représentées parmi les personnes en situation de pauvreté, en particulier les immigrantes, les femmes racisées, monoparentales et vivant avec un handicap. Leila Celis, professeure en sociologie, explique : “Les femmes continuent d’avoir des revenus moins élevés que les hommes et occupent en plus grand nombre des emplois précaires et à temps partiel, ce qui les empêche de bénéficier d’avantages sociaux, tels que des congés payés et des assurances maladies.”
Le gouvernement, et nous, habitants de Montréal, avons ainsi encore beaucoup de travail et de luttes devant nous pour faire en sorte que face à la précarité, il n’y ait pas autant d’inégalités. Il est nécessaire d’identifier les populations les plus vulnérables afin d’apporter des solutions adaptées et personnalisées à ces populations.
En tant qu’étudiants à McGill, nous avons aussi tous une part de responsabilité, car les inégalités face à l’itinérance ne sont que le reflet des inégalités présentes dans nos sociétés. Nous avons ainsi tous un devoir de lutter contre la stigmatisation, la discrimination et l’inégalité, pour faire en sorte que l’identité de chacun ne soit plus un facteur de vulnérabilité.
My name is Marie and I am from beautiful France. As you can imagine I love to write, mostly poetry, political essays, philosophical essays and novels.
I am very involved in feminism, studying this field by myself since middle school and see myself as a militant for the cause.
One of my greatest passion is also cinema and I would say that my favorite directors are David Lynch and Sofia Coppola. This explain why I chose World Cinema as my minor.
I chose International Development and Political Science as my majors in McGill.
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