Venezuela : L’opposition face à l’érosion de la démocratie

Venezuela : L’opposition face à l’érosion de la démocratie

Le Venezuela est un pays qui, depuis les années 1990, fait face à de nombreux obstacles sur son chemin vers la démocratisation, un processus marqué par un recul constant. Après des élections dont la légitimité continue d’être largement contestée, Nicolás Maduro, président en exercice depuis 2013, a été réinvesti le 29 juillet 2024 pour un troisième mandat, cumulant ainsi plus de dix ans à la tête du pays. Cependant, la situation complexe demeure inchangée, tant sur le plan économique que dans le respect des principes démocratiques. L’année 2025 débute par un événement préoccupant pour la société vénézuélienne et la communauté internationale : l’arrestation de membres de l’opposition, un symbole alarmant de la rapide dégradation des derniers efforts pour maintenir l’apparence d’un régime démocratique. En effet, cela sous-entend un non-respect des opinions divergentes et soulève la question de la légitimité du pouvoir ainsi que du basculement vers l’autoritarisme.

Tout d’abord, ​​Nicolás Maduro,  ancien chauffeur de bus devenu politicien, est un populiste qui a gravi les échelons jusqu’au sommet de la pyramide politique, héritant du régime d’Hugo Chávez. Il accède à la présidence par intérim après le décès de Chávez en 2013 et est parvenu à conserver le pouvoir depuis cette date. 

Les idées de Nicolás Maduro s’inspirent de la pensée de Simón Bolívar, le héros de l’indépendance latino-américaine, bien que ce dernier fût colombien. Cette influence a donné naissance à la « révolution bolivarienne », un mouvement politique initié par Hugo Chávez et revendiqué par Maduro, qui se présente comme l’héritier de cet idéal.

Les principes originels de cette révolution peuvent se résumer à des idées anti-coloniales, notamment une opposition à l’impérialisme américain, ainsi qu’à des mesures de protectionnisme, d’autonomie nationale et de redistribution équitable des richesses, en particulier celles issues du pétrole. Cependant, dans la pratique, ces principes sont loin d’être respectés. Des problèmes endémiques tels que la corruption au sein des élites, la violence d’État et le surendettement ont terni cet idéal.

Sous les précédents mandats de Nicolás Maduro, le Venezuela a traversé des crises tragiques. Le pays a souffert de pénuries alimentaires massives, d’une insécurité croissante et d’une hyperinflation record, enregistrant le plus grand taux parmi tous les pays en 2018, selon le FMI au début de l’année. Ces conditions désastreuses ont poussé de nombreux Vénézuéliens, ceux qui en avaient les moyens, à émigrer vers d’autres pays d’Amérique latine, la Floride, l’Espagne ou d’autres régions hispanophones à travers le monde.

La dernière réélection de Maduro a été gravement remise en cause par la communauté internationale et par de nombreux observateurs. Des adjectifs particulièrement vindicatifs, tels qu’ une élection “tragique”, ont été utilisés pour décrire le processus électoral. Les résultats sont largement considérés comme illégitimes, en raison d’une campagne marquée par l’intimidation et même, selon certains témoignages, par la terreur.

Marina Corrina Machado est une figure politique vénézuélienne issue d’une famille influente, héritière d’une grande entreprise d’électricité fondée par ses parents. Opposée au régime de Chávez dès les années 2000, elle s’est engagée au sein de l’opposition à Nicolás Maduro. Elle a d’abord milité dans le cadre d’un collectif appelé Sumate (« Rajoute-toi au mouvement ») avant d’intégrer le siège de l’Assemblée nationale.

Son long parcours de militante politique lui a valu des décennies de lutte marquées par des expulsions du territoire, des menaces de mort et, plus récemment, ce que la presse internationale a qualifié de « bref enlèvement ».

Lors d’une manifestation populaire le 9 janvier, Maria Corina Machado est apparue vêtue des couleurs du Venezuela, rejoignant un cortège de civils. Cette apparition, largement acclamée par la foule, a attiré l’attention des forces de l’ordre. Elle a alors été interpellée et brièvement placée en garde à vue, selon ses déclarations. Cependant, les autorités vénézuéliennes nient ces affirmations, les qualifiant de « manœuvres démagogiques » de la part de la candidate.

Cet épisode s’inscrit dans la lignée d’une opacité croissante du régime de Nicolás Maduro à tous les niveaux, ce qui alimente les inquiétudes de la communauté internationale, notamment des pays européens comme l’Espagne. Le gouvernement espagnol a exprimé son “inquiétude” et sa “condamnation totale”, réclamant que “l’ensemble des responsables de l’opposition au Venezuela soit protégé et préservé”.

Le cas de María Corina Machado n’est cependant pas isolé. Edmundo González Urrutia, ancien diplomate vénézuélien et ambassadeur en Argentine, s’est imposé comme l’un des principaux opposants au chavisme. Candidat à l’élection présidentielle de 2024, il est considéré par de nombreux pays comme le président légitime du Venezuela. Toutefois, à la suite d’un mandat d’arrêt émis contre lui le 3 septembre dernier, González Urrutia a été contraint de demander l’asile politique en Espagne.

Selon un sondage réalisé en avril 2024, Edmundo González Urrutia bénéficiait de 50 % des intentions de vote, contre seulement 18 % pour Nicolás Maduro. Pourtant, à l’issue du scrutin, le pouvoir en place a annoncé la réélection de Maduro avec 51,2 % des voix, contre 44,2 % pour González Urrutia. Contestant les résultats, l’ancien ambassadeur s’efforce désormais de regagner le Venezuela, malgré les risques considérables pour sa sécurité.

Après avoir quitté l’Espagne début janvier, González Urrutia a mené une série de rencontres internationales. Il a d’abord rencontré le président argentin Javier Milei, puis Joe Biden à Washington, avant de s’envoler pour le Paraguay, où il a été reçu par le président José Raúl Mulino. Ce dernier a officiellement reconnu González Urrutia comme président élu du Venezuela, une décision qui a provoqué la rupture des relations diplomatiques entre Caracas et Asunción.

Les autorités vénézuéliennes, pour leur part, ont réagi avec fermeté. Une prime de 100 000 dollars a été promise pour sa capture, et elles menacent de l’arrêter dès son retour au Venezuela. “Cet avion, ses membres d’équipage et ses passagers doivent être traités comme une force étrangère tentant une invasion”, a averti Jorge Rodríguez, président du Parlement vénézuélien.

C’est donc avec beaucoup d’attention et de précaution que la situation de l’opposition au Venezuela est suivie. Les yeux du monde entier sont rivés sur les dérives autoritaires du régime, et il reste à voir quelles actions les organisations internationales entreprendront face à l’évolution de cette crise.

Edité par Yara Daher.

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