La crise d’Octobre désigne le paroxysme d’une série d’attentats terroristes organisés par le Front de libération du Québec (FLQ). Alors que les membres du FLQ, plus communément appelé les « felquistes », étaient à l’origine de plusieurs attaques, vols, enlèvements et assassinats ayant lieux au Québec entre 1963 et 1970, leur terreur a atteint son apogée lorsqu’ils ont kidnappé James Cross, un diplomate britannique, le 5 octobre 1970. Afin de maîtriser la crise qui s’était intensifiée, notamment par le meurtre du ministre provincial de l’Immigration et du Travail de l’époque et des tentatives d’extorsion du FLQ, le Premier ministre, Pierre-Elliot Trudeau, a invoqué la Loi sur les mesures de guerre. Celle-ci suspendait les droits civils des Québécois en autorisant les arrestations et les incarcérations sans accusation ni procès. En conséquence, les agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ont procédé à des opérations policières douteuses et abusant les droits civils des Québécois durant des années après la fin de la crise d’Octobre et la suspension de la loi. La Commission d’enquête sur des opérations policières en territoire québécois, aussi désignée comme la Commission Keable, et la Commission d’enquête sur certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada, ou la Commission McDonald, dénoncent et condamnent d’ailleurs les activités illégales de la GRC sur le territoire québécois.
Avant tout, le FLQ est responsable de nombreux actes de violences dans les années 60 au Québec. Fondé en 1963, le FLQ est un mouvement indépendantiste visant à obtenir la souveraineté québécoise en s’inspirant du Front de libération nationale en Algérie et du Parti communiste de Cuba. Prônant la lutte armée, les felquistes souhaitent libérer le Québec de ses origines coloniales, du capitalisme et la domination anglophone. Bien que leurs activités terroristes aient relativement cessé à la suite de la condamnation de nombreux felquistes et la fin de la crise d’Octobre, la GRC a tout de même persisté à surveiller le FLQ sans mandat. Les effractions de la GRC s’étendent à d’autres mouvements séparatistes, injustement victimes de bavures policières, tout comme le Parti Québécois (PQ).
En particulier, le 15 juin 1977, plus de sept ans après la crise, la Commission Keable a été créée par le gouvernement du Québec; avec pour but de dénoncer les opérations policières illégales sur le territoire québécois. Cette commission révèle d’ailleurs une opération illégale menée par la GRC, où celle-ci a également dérobé une liste comportant les prénoms des membres du PQ en 1973. Les gens de la GRC se sont emparés de la liste, l’ont copiée, puis l’ont remise à sa place dans cette opération ordonnée par le directeur général de la GRC, John Starnes. De plus, la Commission révèle une autre perquisition illégale menée par la GRC dans les locaux de l’Agence de presse libre du Québec (APLQ) et du Mouvement de défense des prisonniers politiques du Québec (MDIQ). Cette opération, appelée Opération Bricole, est considérée par la Commission Keable comme étant une tactique de neutralisation ou de déstabilisation visant des organisations favorables à l’indépendance du Québec. Nombreuses autres effractions commises par la GRC au Québec sont démontrées dans cette commission, soit l’émission d’un faux communiqué au nom d’un faux membre du FLQ et l’incendie d’une grange située sur le terrain de la commune Le Petit Québec libre. Un an plus tard, la Commission McDonald est publiée dénonçant pareillement les actions illégales de la GRC envers les associés du mouvement indépendantiste québécois.
La révélation des commissions Keable et McDonald a créé une indignation collective au sein des Québécois. À l’époque, plusieurs politiciens s’étaient exprimés pour partager leur terreur face à ces opérations. Le Premier ministre québécois, René Lévesque, qui a notamment fondé le PQ, a aussi demandé que le Premier ministre Trudeau s’inquiète de l’état de la GRC et congédie les agents coupables des opérations dénoncées par les commissions. En 1982, un procès a lieu contre les agents de la GRC ayant volé la liste des membres du PQ, mais seul un seul agent sera inculpé.
En 1992, l’affaire fait scandale une seconde fois alors que les notes et documents déposés devant la commission McDonald deviennent accessibles au public. Ceux-ci prouvent que le gouvernement fédéral avait ordonné la GRC a récolté des informations sur le mouvement indépendantiste québécois et les identifier au sein de l’armée et de la fonction publique. Le gouvernement fédéral exerçait alors une forte pression sur les agents de la GRC pour espionner les indépendantistes Québécois.
Les commissions Keable et McDonald démontrent alors les efforts du gouvernement fédéral à cibler le mouvement séparatiste québécois qui menaçait le fédéralisme canadien. Les activités clandestines et illégales entreprises par la GRC révèlent particulièrement la discrimination injuste et ciblée des autorités policières envers des individus adhérant à un mouvement politique allant à l’encontre de leur gouvernement. Ces opérations policières démontrent une réelle violation de la justice et de la liberté individuelle, soit la liberté d’expression et d’association. Durant ces événements, la GRC ainsi que le gouvernement fédéral ont manqué de faire preuve de justice, de tolérance et de transparence.
Un tel phénomène, c’est-à-dire des effractions commises par des policiers, est loin d’être une chose d’autrefois. Aujourd’hui, certains policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) commettent des bavures semblables motivés par la discrimination ethnique. Notamment, en septembre dernier, Ronny Kay, un homme issu de la communauté chinoise, a perdu la vie aux mains d’un agent de la SPVM alors qu’il était en détresse psychologique. Les raisons de sa mort n’ont toujours pas été divulguées.
Edité par Augustin Bilaine
Lauren Kandalaft is in her third year at McGill University, where she is pursuing a major in International Development and minors in Communication Studies and Social Entrepreneurship. After being an editor and writer for Catalyst’s Francophone Section for a year, she is now the Francophone Section Director and oversees all articles written in French on Catalyst. Her main interests include migrants’ rights, economic development, and diplomacy.