Les élections présidentielles en Russie sont-elles toujours pertinentes ?

Les élections présidentielles en Russie sont-elles toujours pertinentes ?

Le 17 mars passé avaient lieu les élections présidentielles en Russie et la victoire de Vladimir Poutine n’a fait aucun doute. Gagner les récentes élections signait un quatrième mandat pour le président qui est entré au pouvoir le 31 décembre 1999 après la démission de Boris Eltsine. Les présidents russes sont élus lors des élections présidentielles au scrutin majoritaire à deux tours pour un mandat de six ans. Si le nombre de mandats était limité à deux à l’origine, à la suite de modifications de la constitution en 2020 accordant deux autres termes à Vladimir Poutine, celui-ci pourrait rester au pouvoir jusqu’en 2036.  

Bien que, dans les années 1990, les élections présidentielles russes semblaient justes et compétitives, il semble qu’aujourd’hui la propagande, la fraude et la suppression de l’opposition soient monnaie courante dans les élections présidentielles russes. En effet, dès le retour de Poutine au pouvoir en 2012, les citoyens russes ont commencé à se rendre compte que les élections étaient biaisées et corrompues. À multiples reprises, des modifications des règles et de la loi électorale pour avantager Poutine ont été observées. En effet, après avoir compris que se représenter en 2024 serait difficile à justifier, la constitution a été modifiée en 2020 afin de permettre au président de se présenter une 4e fois. Ainsi, Poutine a modifié les termes et les règles des élections présidentielles de manière légale en utilisant son pouvoir de président. De plus, il semble que le président russe ait éliminé méthodiquement toute opposition à sa réélection, que cela soit par la loi ou par la violence. Le seul opposant à Vladimir Poutine lors de ces élections présidentielles en mars, Boris Nadejdine, a vu sa candidature rejetée, sous prétexte de ne pas avoir obtenu les 100 000 signatures requises pour pouvoir se présenter. En effet, selon la commission électoral, 15% des signatures présentées par Nadejdine seraient faussées. Il semble ainsi que Poutine, même si n’ayant pas encore officiellement annoncé sa candidature, soit le seul choix possible et que personne ne puisse le contredire publiquement. La presse russe, contrôlée majoritairement par l’État, est présente pour mettre l’accent sur la légitimité du président actuel. En effet, dès son arrivée au pouvoir, Poutine a pris le contrôle des plus grandes chaînes de télévision, telles que NTV, et des médias afin de mettre en place une propagande. Les médias deviennent « un outil au service du pouvoir ». La chaîne de télévision NTV, sous contrôle d’État, avait diffusé un documentaire en 2012, peu avant les élections, accusant l’opposition de Poutine de vouloir créer une révolution avec l’aide financière des pays de l’Ouest. Enfin, lors de ces élections présidentielles, les stratégistes politiques du Kremlin de nouvelles mesures concernant les votes ont été prises par le Kremlin : il est désormais possible de voter de manière électronique depuis son domicile et pendant une période de trois jours. Pour de nombreuses personnes, ces nouvelles mesures ne sont qu’un autre moyen pour le Kremlin de biaiser et de contrôler les votes et l’issue des élections. 

Malgré leur aspect antidémocratique, les élections présidentielles continuent d’avoir lieu en raison de leur importance stratégique dans la politique de Vladimir Poutine. En effet, elles sont un moyen de légitimer son pouvoir et ainsi de permettre une stabilité politique. Vladimir Poutine semble avoir toujours fait attention à ce que sa présence au pouvoir soit légitime et ne contredit pas la loi. Après avoir effectué ses deux premiers termes, au lieu de saisir le pouvoir ou de se représenter, il a mis en place le tandem avec Medvedev. Ce tandem lui a permis de rester au pouvoir indirectement en tant que premier ministre sans violer la constitution russe. En effet, tout le monde sait que la venue de Dimitri Medvedev au pouvoir n’était qu’une façade et que la personne qui dirigeait en réalité était Vladimir Poutine. De même, afin de pouvoir se représenter en 2024, Poutine a fait modifier la constitution en 2020. Il semble que la Russie ait basculé dans un légalisme autocratique, autrement appelé autoritarisme silencieux. En effet, les personnes au pouvoir seraient considérées comme des dictateurs si les élections n’existaient pas et semblent modifier les règles des élections, supprimer l’opposition afin de rendre très difficile le fait de les enlever du pouvoir. Finalement, les habitants auront, comme l’explique Ora John Reuter et David Szakonyi, l’impression « de participer au processus démocratique du pays » et reconnaîtront la légitimité du président. Cependant, ces élections ne sont pas faites que pour légitimer Poutine en Russie, mais aussi et surtout à l’international. En effet, le président souhaite aussi être perçu comme légitime par l’Ouest et veut prouver que son peuple est derrière lui. Cela semble d’autant plus important dans le contexte actuel avec la guerre en Ukraine. 

Ainsi, le contrôle des élections en Russie érode le fondement de la démocratie, car les élections ne sont pas compétitives et ne représentent aucun enjeu concernant le futur président de la Fédération de Russie. En effet, Vladimir Poutine semble avoir pris toutes les mesures possibles afin d’assurer son maintien à la présidence : que celles-ci soient légales ou non. Pour Vladimir Poutine, ces élections sont non seulement pertinentes, mais elles sont également centrales à son régime. Les élections en 2024 sont un moyen de légitimer son pouvoir et sa présidence, mais aussi de montrer à l’occident que son peuple le soutient concernant la guerre en Ukraine.

 

Édité par Solène Mouchel

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