L’Israël en Cisjordanie : Une architecture d’occupation

L’Israël en Cisjordanie : Une architecture d’occupation

Depuis ses débuts dans les années 1940, le conflit israélo-palestinien s’impose comme une crise régionale majeure qui continue aujourd’hui d’influencer le paysage géopolitique moyen-oriental. 

La complexité du conflit se manifeste à travers diverses dimensions, les plus médiatisées étant les différents affrontements armés ayant rythmé la région au fil des années. Une autre de ses dimensions principales est l’occupation israélienne du territoire palestinien, celui-ci constitué de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de Gaza. 

En Cisjordanie, cette occupation durant depuis plus de 56 ans se manifeste physiquement par des infrastructures, un urbanisme ainsi que des colonies conçues afin d’étendre et maintenir le contrôle israélien sur le territoire. Cette architecture de l’occupation présente de nombreuses conséquences pour le peuple palestinien, qui trouve sa liberté de mouvement considérablement réduite. 

L’appartenance du territoire de la Cisjordanie est aujourd’hui toujours disputée et rythmée par les différentes guerres ayant traversé la région ainsi que par une occupation israélienne prolongée d’importantes parties du territoire. L’accord le plus récent traitant de la souveraineté de la Cisjordanie est le traité d’Oslo II signé en 1995, lors duquel le territoire fût reparti en trois zones distinctes : la zone A sous contrôle palestinien, la zone B administrée par l’autorité palestinienne, mais sous contrôle militaire israélien et la zone C sous contrôle israélien. Cette division à nature transitoire avait notamment pour objectif de favoriser l’avancement du peuple palestinien vers son autodétermination en encourageant la transition de territoires de zones B et C vers un contrôle palestinien. Malgré le statut initialement provisoire de cette répartition, Israël continue aujourd’hui de contrôler environ 60% du territoire cisjordanien (zone C). 

Cette occupation illégale se traduit par des colonies israéliennes servant notamment à l’implantation d’habitations  ainsi qu’à l’exploitation des ressources naturelles du territoire, le tout permettant le développement de villes implantées sur les parties palestiniennes de la Cisjordanie logeant plus de 600 000 Israéliens

De par leur position géographique et leur nombre, les colonies israéliennes séparent les zones contrôlées par la Palestine, créant une image « d’archipel » palestinien, où une mer de colonies israéliennes entoure les territoires palestiniens se retrouvant ainsi isolés, coupés de leur continuité ainsi que de leur contrôle spatial du territoire. Les colonies israéliennes agissent donc comme un encadrement physique entre les différentes zones palestiniennes de la région, limitant le développement de la société palestinienne ainsi, qu’une fois de plus, la liberté de mouvement du peuple. 

En plus d’une domination géographique du territoire, l’État hébreu adopte une stratégie architecturale homogène favorable à ses colonies. En effet, plusieurs caractéristiques peuvent être retrouvées dans la majorité des colonies de Cisjordanie afin d’en faciliter leur sécurité interne ainsi que leur contrôle; généralement une colonie israélienne est construite autour du sommet d’une colline formant ainsi un cercle propice à la surveillance du bas de la colline habitée par des Palestiniens. Cette formation défensive rappelant celle des châteaux forts permet aux colonies d’affirmer leur domination physique, s’imposant au sommet du territoire. De plus, l’organisation des colonies permet la facilitation des interventions militaires avec la présence de tours de contrôle ainsi que d’un code couleur spécifique des habitations israéliennes prévu pour éviter leur destruction en cas de raid aérien de l’armée. 

L’occupation a également un impact important sur le patrimoine culturel des Palestiniens. En effet, de par l’urbanisation rapide des territoires cisjordaniens, les villages traditionnels ainsi que les paysages de la région se retrouvent en quelques années remplacés par l’architecture moderniste des colonies. De plus, pour subvenir aux besoins des colonies et de leur évolution rapide, les ressources naturelles palestiniennes sont utilisées au profit du développement des maisons israéliennes, privant ainsi les Palestiniens d’importantes ressources. Cette transformation du territoire est un autre moyen d’oppression physique, mais aussi psychologique, faisant disparaître les repères naturels et géographiques du peuple palestinien. 

Outre les colonies, l’État israélien utilise plusieurs techniques architecturales afin d’appuyer et maintenir son contrôle sur la région. L’architecture d’occupation mise en place par Israël en Cisjordanie sert d’outil de contrôle de la population palestinienne, facilitant ainsi l’appropriation illégitime des terres et ressources naturelles. Pour ce faire, des obstacles physiques sont notamment utilisés par l’État hébreu pour fragmenter le territoire et restreindre la liberté de mouvement des Palestiniens. La plus renommée de ce type d’infrastructure physique répressive est la barrière de séparation construite par Israël à partir de 2002. Jugée illégale par la Cour internationale de Justice, cette barrière de 700 kilomètres ne suit le tracé de la Ligne verte (la frontière légale entre Israël et Palestine) que sur 15% de son tracé. Le reste empiétant sur le territoire palestinien pour englober la majeure partie des colonies israéliennes et les sources d’eau cruciales de la région. Bien qu’ayant contribué à grandement réduire le nombre d’attentats suicides en Israël en empêchant à tous les Palestiniens de rentrer sur leur territoire sans autorisation, cette barrière est critiquée par plusieurs associations de défense des droits de la personne, dont Amnestie internationale, qui la considère comme faisant partie intégrante d’un système d’apartheid mis en place par Israël à l’encontre des Palestiniens. 

D’autres barrières informelles telles que les zones stériles ou les autoroutes israéliennes reliant les colonies les unes aux autres facilitent une expansion territoriale constante. De plus, ces barrières séparent les municipalités palestiniennes et contraignent la population palestinienne à passer par des points de contrôle militaire afin de se rendre d’une zone à une autre. Ces checkpoints entravent donc les déplacements quotidiens et, avec les tours de surveillance situées le long de la barrière, sont des symboles tangibles de la surveillance constante de l’Israël sur la région. Lors d’affrontements, ces checkpoints deviennent des obstacles fermés, entravant les Palestiniens. Ainsi, cet élément architectural permet à l’Israël d’annexer durablement certaines parties de la Cisjordanie et contribue à l’isolation des territoires palestiniens.

De par une architecture d’occupation se traduisant par des colonies ainsi que par des barrières physiques formelles comme le mur ou informelles comme les autoroutes, l’État d’Israël impose sur la Cisjordanie un contrôle important. Se retrouvant isolé sur un territoire fragmenté, le peuple palestinien subit l’impact physique, mais également psychologique de l’exploitation des terres qui l’entourent.  

Aujourd’hui, cette occupation de la Cisjordanie est une réalité qui continue de grandir à mesure que les colonies israéliennes s’étendent. Malgré le fait que cette situation difficile soit suivie par la communauté internationale ainsi que par ses organisations, une résolution ne semble pas à l’ordre du jour, dans un contexte où les États se divisent sur la question et où tous les yeux sont rivés sur Gaza. 

 

Édité par Solène Mouchel

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