Un séisme dévastateur, deux réactions distinctes

Un séisme dévastateur, deux réactions distinctes

 

Le 6 février 2023 est un jour tragique et traumatisant pour la Turquie et la Syrie : des tremblements de terre ont eu lieu à proximité de la frontière de ces pays causant de graves séquelles humaines et matérielles. Le séisme le plus dévastateur se caractérise d’une magnitude de 7.8, la magnitude étant l’énergie libérée par le séisme. Le deuxième séisme qui a frappé était doté d’une magnitude de 7.5 similaire au premier : « C’est quelque chose qui n’arrive que dans 10 % des cas ». Afin de comprendre l’ampleur de ces valeurs, il est essentiel de mentionner que la plus grande magnitude jamais enregistrée était celle du tremblement de terre du Chili en 1960, qui était de 9,5. Deux semaines après le tremblement, les équipes de sauvetages demeurent sur le terrain, retirant corps après corps des décombres: le bilan humain a atteint les 42 000 morts et ne cesse d’augmenter.

La situation ne fait que s’empirer, car le 20 février, deux nouveaux séismes de magnitude 6,4 et 5,8 ont secoué les mêmes régions : plus de 118 000 bâtiments se sont écroulés au total. États, ONG internationales et volontaires se sont mobilisés afin de subvenir aux besoins de ces deux pays et de fournir des aides financières et des équipes de sauvetage. Cependant, il y a une grande différence entre les renforts que reçoivent la Turquie et ceux de la Syrie. D’un côté, la Turquie est parvenue à lever un milliard de dollars via l’ONU, tandis que la Syrie n’a reçu que 397 millions. De plus, les sanctions américaines contre la Syrie ont empêché durant les premiers jours après les tremblements, l’arrivée d’aides humanitaires. Ce n’est qu’après 96 heures que les États-Unis lèvent les sanctions qui impactent les efforts humanitaires pour 180 jours. Plus encore, le régime d’Assad et les instabilités politiques de la région cherchent à « contrôler » l’afflux de donations. Le régime d’Assad s’était progressivement isolé de la scène internationale; mais face à cette urgence, le président Bachar Al-Assad s’efforce à s’ouvrir aux pays de la régions et se rend à Oman le 20 février. Il s’agit d’un événement rare puisque c’est son second voyage dans un pays arabe depuis son mis à  ban par les monarchies du Golf en 2012. Cette visite représente un nouveau seuil franchie dans la diplomatie arabe au lendemain du séisme. Inversement, la diaspora turque en Europe représente une communauté très organisée et soudée à l’échelle internationale, notamment en Allemagne où la diaspora mobilisée a organisé des récoltes.

Quelqu’un croirait que la communauté internationale ferait tout son possible afin de s’assurer de la sécurité des survivants d’une telle catastrophe, cependant Israël a d’autres idées en tête et bombarde Damas le 19 février, provoquant la mort de 15 civiles et l’endommagement de bâtiments historiques. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois qu’Israël bombarde la Syrie ; pendant plus d’une décennie de guerre en Syrie, elle a mené des centaines de frappes aériennes contre son voisin, ciblant principalement l’armée, les forces iraniennes et le Hezbollah, alliés du régime de Damas.

Présentement ministre de l’environnement au Liban, avec un doctorat de UCL en études de développement, Dr. Nasser Yassin, ayant mené de longues recherches sur la crise des réfugiés en Syrie, nous donne son avis sur la situation (L’entretien a été traduit de l’anglais) :

Catalyst : Avec un accès limité à l’aide en raison des sanctions américaines, quels sont les défis les plus importants auxquels sont confrontées les organisations humanitaires pour aider les personnes touchées par le tremblement de terre ?

Nasser Yassine : « La situation des sanctions a certainement compliqué l’aide humanitaire. Mais il y a plus que cela. Je pense qu’il s’agit davantage de la capacité des organisations à répondre à la crise humanitaire qui a émergé après le tremblement de terre en raison de la guerre civile. » 

Catalyst : En quoi l’urgence humanitaire syrienne est-elle différente des autres ?

N.Y. : « Le pays est divisé entre factions, qu’elles soient sous le contrôle du régime ou de l’opposition. De plus les institutions du pays sont incapable de fonctionner dut à ces contraintes politiques. Tous ces éléments créent un contexte assez compliqué et conduisent à ce que nous appelons des “urgences complexes”. »

Catalyst : Quelles mesures peuvent être prises pour que l’aide humanitaire puisse atteindre les personnes dans le besoin en Syrie ?

N.Y. : « Nous devons sortir des sentiers battus et disposer d’une machine capable de répondre aux besoins humanitaires d’une manière moins conventionnelle pour pouvoir faire face à ces urgences complexes. Honnêtement, je ne pense pas que les systèmes humanitaires, l’ONU, les organisations nationales, les ONG ou autres puissent le faire. »

En effet, même avant que le tremblement de terre n’ai eu lieu, le nombre de personnes ayant besoin d’aide en Syrie avait augmenté en raison de la guerre, du récent ralentissement économique, exacerbé par l’implosion financière du Liban, du Covid-19, et des sanctions et capture des zones sous l’opposition par le gouvernement – plus de 60% des 13,4 millions population syrienne vivent dans les zones contrôlées par l’état. Cela fait plus qu’une dizaine d’années que le gouvernement Assad manipule l’aide humanitaire, l’empêchant d’arriver chez leurs adversaires en les dirigeant vers leurs alliés. Par conséquent, les efforts mondiaux destinés à soutenir le peuple syrien ont le plus souvent bénéficier le même gouvernement responsable de la souffrance de millions de citoyens et l’exile de millions d’autres. C’est pour cela qu’envoyer des dons financiers au système actuel ne sauvera pas la Syrie : ils ne feront que renforcer les acteurs qui agissent contre le peuple qui souffre encore et encore. De plus, accéder aux zones autrefois contrôlées par l’opposition, notamment le sud, est extrêmement difficile. Ainsi, les gouvernements et les donateurs ont très peu de visibilité sur le terrain, rendant difficile d’évaluer l’impact de l’aide sur le peuple syrien. Cela peut mener au renforcement des inégalités sociales et de la répression, semant les germes de futures décennies d’instabilité. 

Comment remédier à ce problème afin de venir en aide aux victimes de la catastrophe ?

Il est nécessaire d’effectuer une réforme au niveau de la distribution des aides au sein du pays. La communauté internationale devra prendre des décisions informées, afin de savoir vers qui les dons seront versés, les gouvernements devront négocier diplomatiquement avec le gouvernement syrien ainsi que les pays voisins et l’arrivée des aides doivent être facilités au sein du secteur financiers et des banques. 

Comment pourriez-vous aider ?

Voici quelques organisations qui récoltent des dons, des habits et des provisions à Montréal:

McGill Turkish Student Association
3480 McTavish St., Room 302
514-443-1720

Message of Islam Foundation
10555 Boulevard Saint Laurent, Montréal, QC
514-385-3443

Centre culturel syrien à Montréal

 info@centreculturelsyrien.org

630 Sherbrooke west #400

Montreal, Quebec H3A 1E4

Je précise que cette article n’est pas destiné à remettre en question les aides envoyées à la Turquie. Au contraire, il s’agit de s’assurer que tous les êtres affectés par cette catastrophe reçoivent l’aide qu’ils méritent d’avoir, surtout que les peuples de ces régions ne connaissent pas la fin d’expériences mortelles et traumatiques.

Édité par Augustin Bilaine 

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *