Art et Développement – Interview avec Prof. Patrick Alcedo.
Photo credits: “Ballet Filipino 2011” by Jon Mannion, published on 11th May, 2011. No changes were made.

Art et Développement – Interview avec Prof. Patrick Alcedo.

« Le pouvoir de l’art réside dans les potentiels changements qu’il provoque » (Patrick Alcedo)

Traduit de l’anglais par Clara Bernard.

La projection de son documentaire A Will to Dream, dans un de mes cours de développement international, m’a fait découvrir le travail de Patrick Alcedo – réalisateur, ethnographe, professeur et spécialiste des danses traditionnelles philippines.

A Will to Dream suit le parcours de Luther Perez, ancienne star du ballet aux Philippines qui décide d’enseigner la danse aux enfants et aux jeunes défavorisés des quartiers pauvres de Quezon City. On y suit l’évolution de ces jeunes danseurs, en abordant des questions de précarité du travail, de grossesse chez les adolescentes, ou encore de drogues. La danse y est illustrée comme facteur de changement, ayant le pouvoir de surmonter de telles inégalités socio-économiques.

J’ai été amenée à me poser la question : quelle place l’art prend-t-il au sein du développement d’individus, de communautés, de mentalités ? Afin de répondre à cette interrogation de manière plus complète, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec Prof. Alcedo. Notre discussion s’est notamment concentrée sur la danse et la réalisation de films, ses mediums artistiques de prédilection.

Pratiquer une forme d’art peut matériellement influer sur la vie de quelqu’un. Dans le cas de la danse, des compétences individuelles, telles que la maitrise de la danse, ou plus généralement la discipline, ainsi que des valeurs, telles que le partage ou l’entraide, sont acquises au cours de son apprentissage, et de son enseignement. Ces nouvelles capacités intégrées, les individus marginalisés peuvent s’en servir pour améliorer leur vie professionnelle et personnelle. Du fait de la pratique de la danse en elle-même et des capacités acquises en conséquence, les jeunes sont moins enclins à consommer de la drogue, à faire face à des grossesses, ou encore à perdre espoir. Au cours de notre discussion, Prof. Alcedo me partage l’histoire de plusieurs jeunes, et déclare avec fierté que la majorité finit par danser pour la télévision, domaine particulièrement lucratif aux Philippines.

Prof. Alcedo espère qu’en visionnant A Will to Dream, certains se diront qu’ils pourraient être comme ces danseurs. En effet, l’art joue un rôle impactant puisque qu’il apporte des modèles aux spectateurs. Ce dernier peut s’identifier à ce qu’il visionne, ainsi peut-être reprendre espoir, confiance en lui, du courage… L’art permet également de sensibiliser le spectateur. Un film, une représentation, un article, etc. a le potentiel de changer la perspective des gens. Pour Prof. Alcedo, l’art incite souvent le spectateur à être plus altruiste, généreux, et à apprécier ce qu’il a. C’est justement le pouvoir de toucher et de sensibiliser un public diversifié qui le passionne dans la réalisation de films.

De plus, l’art est un véhicule puissant permettant aux gens de définir qui ils sont. Selon Prof. Alcedo, il est important de souligner le caractère unique de chaque culture, et c’est pour cela qu’il dédit une grande partie de son travail à la culture philippine. Il a par exemple été ethnographe pour le festival Ati-atihan, au cours duquel il s’est intéressé aux danses et aux transformations des danseurs. Il s’est notamment concentré sur la performance d’un homosexuel et d’un membre autochtone pour analyser et documenter respectivement comment le premier revendique son appartenance à une fête originellement catholique et comment le deuxième lutte pour sa place centrale dans le festival.

Que ce soit dans ses recherches ou dans ses films, Prof. Alcedo porte une attention particulière à faire entendre les voix opprimées, par exemple en les incluant dans le processus de narration et de réalisation de ses documentaires. Cette approche de l’art permet de renforcer leur prise de parole, puisque intime, inclusive et non extractive.

Prof. Alcedo conclut notre discussion en déclarant qu’au cours de ces dernières années, beaucoup de changements positifs ont eu lieu en termes d’équité, de diversité et d’inclusion. Il témoigne notamment, dans son enseignement, un intérêt accru des élèves pour les cultures étrangères ou encore les différentes formes de danses. Il souligne et applaudit également l’interdisciplinarité croissante dans les discussions. En effet, il déclare que la danse peut, et doit, puisqu’agent de changement social, être mise en conversation avec d’autres sujets tels que la science politique, les études religieuses…

Édité par Augustin Bilaine

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