COP28 : Un tournant dans la lutte climatique ou un théâtre de conflits d’intérêts?

COP28 : Un tournant dans la lutte climatique ou un théâtre de conflits d’intérêts?

Le changement climatique se dresse comme le défi le plus colossal et le plus pressant de notre siècle, une crise planétaire qui transcende les frontières, les cultures et les économies. Dérivé des activités humaines, principalement de la combustion des énergies fossiles, ce phénomène complexe menace non seulement l’équilibre naturel de notre planète, mais aussi l’existence même de ses habitants. Avec des températures mondiales en hausse constante, nous franchissons des seuils climatiques critiques avec des conséquences dévastatrices. Les phénomènes météorologiques extrêmes – des canicules accablantes aux ouragans destructeurs, en passant par les inondations catastrophiques et les sécheresses prolongées – deviennent de plus en plus fréquents et violents, bouleversant des vies, des écosystèmes et des économies. 

Face à cette urgence, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la transition vers des sources d’énergie renouvelables ne sont plus des options, mais des impératifs. L’heure est à l’action collective et déterminée, car chaque fraction de degré compte dans la course pour limiter le réchauffement climatique et préserver notre planète pour les générations futures. Le réchauffement du climat n’est pas seulement une question environnementale; c’est une crise humanitaire et de justice globale qui appelle à une réponse mondiale unifiée et audacieuse.

En 2023, le monde a franchi le seuil de 1,5 degré Celsius de réchauffement climatique, malgré des décennies de conférences et de négociations. Cela révèle un écart important entre les objectifs climatiques fixés et les mesures concrètes prises. Les avancées réalisées lors des précédentes Conference of the Parties (COP) n’ont pas abouti à des changements significatifs, et de nombreuses initiatives sont considérées comme du greenwashing plutôt que des actions réelles.

La 28e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, ou COP28, s’est ouverte le 30 novembre à Dubaï, sous la présidence de Sultan Al-Jaber, ministre de l’Industrie des Émirats arabes unis et PDG du groupe pétrolier Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC). Cette conférence réunissant 198 parties – 197 pays et l’Union européenne (UE) – est un jalon essentiel dans la lutte contre le changement climatique. Elle a pour mission de finaliser un accord crucial pour l’avenir climatique, comprenant le premier bilan mondial de l’Accord de Paris, qui évalue les progrès réalisés et définira une feuille de route pour l’avenir. Les discussions sont axées sur le financement des pertes et dommages subis par les communautés vulnérables, et sur l’accélération d’une transition juste et équitable. Cependant, des obstacles majeurs se dressent, notamment, le refus des pays pétroliers d’abandonner les énergies fossiles et l’insuffisance des aides à l’adaptation.

Simon Stiell, secrétaire exécutif de l’ONU sur le changement climatique, insiste sur la nécessité de passer du « quoi » au « comment » dans la mise en œuvre de l’action climatique, en mettant un accent particulier sur l’accélération des efforts pour 2030. Cette année marque donc un tournant dans l’approche de la conférence, privilégiant des actions pragmatiques plutôt que des discussions théoriques.

Au-delà des débats techniques, la COP28 est marquée par des dynamiques politiques complexes et controversées. La présence de Sultan Al-Jaber, à la fois ministre de l’Industrie des Émirats arabes unis et PDG du groupe pétrolier ADNOC, soulève des questions sur le conflit d’intérêts dans la prise de décision climatique, notamment en ce qui concerne la politique énergétique. Ses déclarations récentes, suggérant qu’il n’y « avait pas de science » appuyant la nécessité d’éliminer les combustibles fossiles, ont provoqué une onde de choc, suscitant la controverse et la condamnation de la part d’activistes, tels que May Boeve, directrice exécutive de l’organisation 350.org. Cette position a été perçue comme un désaveu des efforts mondiaux pour lutter contre le changement climatique. Pire encore, un projet d’accord récent de la COP28 a omis de mentionner explicitement la « sortie » des combustibles fossiles, suggérant une réticence ou un manque d’engagement ferme envers l’une des mesures les plus cruciales pour atténuer le changement climatique. Cette omission, malgré l’urgence exprimée par la communauté scientifique et les défenseurs de l’environnement, indique une division profonde entre les nations sur cette question essentielle. Des pays comme ceux de l’UE, les États-Unis et plusieurs îles ont encouragé une sortie des hydrocarbures, tandis que l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) s’y oppose, créant un clivage significatif dans les négociations.

C’est ainsi que la COP28 à Dubaï a mis en lumière une question fondamentale et inquiétante : les priorités des leaders mondiaux sont-elles déséquilibrées, favorisant les gains économiques à court terme au détriment de la longévité de notre planète, de la survie de l’humanité, ainsi que de la faune et de la flore? Cette approche à courte vue menace non seulement l’environnement, mais aussi l’avenir même de nos sociétés. 

Face à l’urgence climatique, il est impératif que les dirigeants mondiaux reconnaissent que la prospérité économique ne peut être durable sans une planète stable. Les décisions prises aujourd’hui, axées sur des intérêts économiques immédiats, auront des conséquences irréversibles pour l’environnement et pour les générations futures. Les choix difficiles et les sacrifices nécessaires pour un avenir durable ne sont pas incompatibles avec la croissance et le progrès. Ils représentent plutôt une opportunité de réinventer nos économies et nos sociétés sur des fondements plus résilients, équitables et respectueux de l’environnement. Les dirigeants du monde doivent donc faire preuve de courage et de vision pour prioriser la santé de notre planète et le bien-être des générations futures sur les gains économiques immédiats. Seule une telle réorientation des priorités permettra de garantir un avenir où l’humanité peut prospérer en harmonie avec la nature.

 

Édité par Jeanne Arnould

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