La disparition des îles Kiribati : Un cri d’alarme pour la planète

La disparition des îles Kiribati : Un cri d’alarme pour la planète

Une nouvelle forme de crise des réfugiés se profile à l’horizon, mais cette fois-ci, les migrants n’essaient pas d’échapper à la guerre, ils fuient la nature. Depuis des décennies, nous savons que nos actions sont à l’origine du changement climatique, mais nous commençons seulement à prendre conscience de l’ampleur de cette catastrophe. Si dans cette crise personne n’est épargné, ce sont les pays en développement et les îles qui en paient le plus gros prix. En effet, de nombreux archipels tels que l’archipel des îles Kiribati sont les premières victimes de cette crise. Cet archipel du Pacifique, composé de 33 îles et atolls, dont seulement 12 sont habités, a déjà vu deux de ses atolls submergés par l’océan et voit son niveau de vie se dégrader chaque année.  

Selon l’ONU, Kiribati risque de disparaître dans les 50 prochaines années. Cela n’est pas dû à une prophétie, mais a bel et bien un fondement scientifique. Selon le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le niveau de la mer a déjà augmenté de 15 à 25 cm entre 1900 et 2018 et devrait encore augmenter de 43 cm d’ici 2100. La conséquence directe de ceci sera l’inondation et la submersion de territoires. Aujourd’hui, déjà sur l’atoll de Tarawa, des digues ont dû être construites et des palétuviers ont été plantés pour tenter de contenir la mer et protéger le territoire. De même, deux atolls ont déjà été complètement engloutis par la mer : Tebua Tarawa et d’Abanuea. Ironiquement, le nom du deuxième signifie « la plage qui va durer le plus longtemps » en austronésien. En 2016, déjà 80% de la population avait été impactée par l’élévation du niveau de la mer et ce chiffre ne cesse d’augmenter. Comme le dit l’ancien président de l’archipel, Anote Tong, « À Kiribati, nous ne parlons pas de croissance économique ou de niveau de vie. Nous parlons de notre survie ». L’inondation des terres n’est pas la seule conséquence du réchauffement climatique et les habitants restants sur l’île font face à une véritable crise humanitaire. En effet, l’érosion des rivages, la salinisation, ainsi que les incendies sont d’autres conséquences visibles de ce dérèglement climatique, perturbant fortement l’agriculture. Les îles Kiribati pratiquent une agriculture subsistante, mais cette activité est en déclin dû au rétrécissement des terres cultivables. De même, la pêche est affectée, car les récifs coralliens ne peuvent plus répondre aux besoins alimentaires des habitants. Cela impacte le marché du travail, faisant ainsi baisser le salaire minimum à environ 1$ par heure. Des études montrent qu’environ 60% des habitants de ces îles vivent sous le seuil de pauvreté. De même, selon Médecins sans frontières, les risques environnementaux et la santé publique entrent en collision. En effet, avec un manque de nourriture important, et un salaire minimum extrêmement faible, les habitants ne peuvent plus se permettre de cuisiner de la nourriture traditionnelle et se contentent de nourriture importée. Cela mène à une augmentation du taux d’obésité, actuellement d’environ 46%, et à l’augmentation du nombre de maladies. Dans ces îles, Médecins sans frontières reporte environ 25% des enfants en insuffisance pondérale, 70 % des adultes âgés de 18 à 69 ans présentant au minimum trois facteurs de maladies non transmissibles, 44% des femmes âgées de 45 à 69 ans diabétiques et 75% des décès dans la région du Pacifique dus à ces maladies. Face à ces conséquences, l’exil permanent semble être la seule solution pour ces habitants, cependant celui-ci n’est pas si facile. 

Face à la crise que connaît son pays, Anote Tong a commencé à organiser la migration de son peuple vers des terres plus sûres. La politique de « migration dans la dignité » est la stratégie nationale de migration sur le long terme adoptée. Elle consiste à offrir la possibilité aux habitants d’émigrer, maintenant ou plus tard, vers des pays voisins de manière permanente avec une aide politique, sociale et économique pour conserver les communautés kiribatiennes et leur identité. Cependant, pour cela, il faut que les pays voisins acceptent l’arrivée de migrants sur leur sol. Si la Nouvelle-Zélande a accepté d’accueillir des Kiribatiens, ce n’est pas le cas de l’Australie et de la Chine qui ont décidé de ne pas écouter l’appel désespéré de leur voisin. En réalité, la véritable difficulté derrière cette migration est le statut des migrants. En effet, les migrants environnementaux ne sont pas reconnus comme des réfugiés par la Convention de Genève de 1951 et ne peuvent donc pas demander l’asile. Leur statut juridique étant flou, les États n’ont aucune obligation à leur égard et peuvent les renvoyer dans leurs pays. Prenant en considération le changement climatique, l’ONU reconnaît que les migrants environnementaux sont tout aussi inévitables que les réfugiés politiques et tente de changer leur statut . L’un des cas sur lequel s’appuie l’ONU afin de modifier le statut est le cas du Kiribatien Ioane Teitotia. Reconnaissant le futur difficile de son île, ce père de trois enfants avait immigré en Nouvelle-Zélande avec sa famille en 2007 où ils avaient fait une demande d’asile. En 2010, leur demande a été rejetée sous prétexte qu’ils n’étaient pas directement menacés et ils ont été renvoyés sur Kiribati. À la suite de cela, Ioane Teitotia a fait appel au Comité des droits de l’homme pour un arbitrage. Après réflexion, le comité a décidé que la Nouvelle-Zélande n’avait pas violé les droits humains, car l’île n’était pas encore inhabitable. Cependant, cette décision établit de nouvelles normes qui pourraient faciliter le succès de futures demandes d’asile liées au changement climatique.

Le cas de l’archipel Kiribati est extrême, certes, mais malheureusement pas unique en son genre. Il montre la nécessité d’une action collective afin de permettre un futur stable à ces milliers de personnes.  De plus, ne serait-il pas le cri d’alarme dont nous avons besoin afin de changer notre attitude face à l’écologie ? 

Édité par Solène Mouchel

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