La France, Passerelle décisive entre la Chine et les Etats-Unis

La France, Passerelle décisive entre la Chine et les Etats-Unis

Depuis le début du deuxième mandat de Xi Jinping, les relations sino-françaises connaissent une période que l’on pourrait qualifier de lune de miel. Non seulement les deux acteurs ont des intérêts en commun (lutter contre l’hégémonie économique des Etats-Unis, promouvoir le multilatéralisme) mais ils comprennent le fonctionnement de leurs politiques diplomatiques respectives. La France a donc une responsabilité envers le système politique international de saisir cette opportunité afin d’apaiser les relations entre les Etats-Unis (E-U) et la Chine. Ceci est d’autant plus important que l’on sait que les erreurs de communication entre la Chine et les E-U peuvent rapidement dégénérer. Ainsi, la France peut déployer son appareil diplomatique au niveau national et multilatéral en utilisant son influence dans les institutions internationales (Union Européenne (UE), Organisation des Nations Unies, Organisation Mondiale du Commerce). Si la France parvient à saisir cette occasion, le monde réduira les risques sécuritaires et l’UE pourra affirmer sa position en tant qu’acteur incontournable sur la scène internationale. En jouant un rôle de passerelle, la France et l’UE pourront renforcer leur autonomie stratégique et économique face aux deux géants que sont la Chine et les E-U. 

 

Une relation aux racines profondes

En 2018, lors de sa rencontre avec le président élu Emmanuel Macron, le Premier ministre Li Keqiang annonce un renforcement de la coopération bilatérale Chine-UE grâce à l’intervention de la France. Il a aussi salué les efforts de la France dans le multilatéralisme international et encouragé. Cette dernière a usé de son réseau diplomatique pour défendre des accords économiques plus justes à travers l’organisation mondiale du commerce.

 

Ces annonces s’inscrivent dans la lignée des “trois mannes” diplomatiques sur lesquelles les deux nations se sont mises d’accord pour renforcer leur coopération. 

La première manne diplomatique est la coopération bilatérale dans des secteurs-clés: le nucléaire, l’aérospatial, et les pharmaceutiques. Cette focalisation s’explique par les trois fleurons français que sont: Énergie de France (EDF), Airbus et Sanofi. EDF, entreprise pionnière dans le nucléaire depuis le plan Messmer et qui a participé à la construction de réacteurs de nouvelles générations en Chine et à Hinkley Point au Royaume-Uni, reste ainsi un acteur incontournable dans le secteur du nucléaire. Bien qu’étant une entreprise européenne, Airbus est un fleuron de l’industrie française grâce à la concentration de son activité industrielle à Toulouse qui a permis l’essor de nombreuses entreprises françaises se spécialisant dans l’aérospatial. Ensuite, Sanofi est un acteur indispensable dans la production de produits pharmaceutiques. Lorsqu’on analyse les exportations françaises envers la Chine. On retrouve l’aérospatial et les réacteurs nucléaires au haut de la liste avec les produits pharmaceutiques au cinquième échelon. Ainsi, on constate que les demandes du gouvernement chinois sont belles et bien matérialisées. Ceci explique aussi la hausse fulgurante des échanges commerciaux entre les deux nations qui sont passées de 18 milliards en 2013 a plus de 28 milliards en 2021.

 

Ceci s’explique notamment par le nouveau mandat de Xi Jinping qui amorce un tournant de l’époque d’ouverture économique vers une nouvelle interprétation des cinq principes de coopération. Ils sont essentiels pour comprendre la diplomatie chinoise et comment cette dernière voit le monde. Ces cinq principes sont le respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale ; la non-agression mutuelle ; la non-ingérence mutuelle dans les affaires intérieures ; l’égalité et avantages réciproques ; ainsi que la coexistence pacifique. Leur création remonte au Traité sino-indien sur le Tibet, signé en Chine, en 1954. Sous le giron de Mao, ces principes ne s’appliquent qu’aux pays anti-impérialistes, qu’ils soient nationalistes ou communistes. Puis, Deng Xiaoping interprète les principes de coexistence pacifique pour inclure toutes les nations du monde et amorcer une ouverture de l’économie chinoise en établissant des relations économiques avec le Japon et les E-U. Alors que la première présidence de Xi s’inscrit dans cette lignée, le deuxième mandat amorce le début d’une nouvelle interprétation des cinq principes. Xi Jinping tente dorénavant de changer le système international créé par les E-U et d’y appliquer les cinq principes de coexistence pacifique.

Non seulement la Chine a amorcé ce tournant, mais la France a compris l’importance de ces cinq principes dans sa diplomatie. En effet, Macron lui-même a réitéré son soutien au respect mutuel de la souveraineté et à l’égalité et avantages réciproques dans le contexte de sa rencontre avec le président Xi JinPing en 2022. Emmanuel Macron a aussi réaffirmé l’opposition de la France aux mentalités de bloc et poussé à la reconnaissance de la multipolarité du monde dans lequel les acteurs sont de plus en plus interdépendants. De son côté, Xi a proclamé que la France et la Chine sont deux acteurs sur la scène internationale qui ne peuvent plus être ignorées par la politique unilatérale américaine.  

Ainsi, on constate que les intérêts communs de la France et de la Chine pour mettre fin à l’unilatéralisme américain et promouvoir le multilatéralisme, ainsi que des enjeux économiques mènent à une coopération plus profonde entre les deux acteurs. En 2020, le ministre des affaires étrangères Wang Yi annonce alors une nécessité de coordonner les actions chinoises et françaises sur la scène diplomatique afin de contrer l’influence américaine. Wang Yi en appelle alors à la responsabilité de la France en tant que “stabilisateur mondial” d’utiliser sa place privilégiée en tant que membre-fondateur de l’ONU et de l’UE pour réformer ces dernières pour mieux prendre compte des nouveaux rapports de force. De plus, on peut déduire qu’Emmanuel Macron a non seulement compris les intérêts chinois, mais également le fonctionnement de la diplomatie étrangère du royaume du milieu lorsqu’il rencontre des membres du département international du Parti communiste chinois. Ceci démontre une connaissance intime des rouages des institutions diplomatiques chinoises et l’intérêt que la France y prête.

 

Lors de la rencontre entre les ministres des affaires étrangères des deux pays en mai 2022, les deux côtés appellent ainsi au dialogue et se posent comme médiateurs entre la Russie et l’Ukraine afin de tenter de mettre un terme au conflit. La France a ainsi un rôle clé à jouer et doit savoir le saisir. Alors qu’elle est typiquement rangée du côté des Occidentaux, il ne faut pas négliger le rôle de la France et de sa politique stratégique indépendante qui date du général Charles de Gaulle. Ce dernier avait saisi l’importance stratégique de défendre les intérêts français avant tout et de ne pas suivre aveuglément les Américains. On retrouve ainsi de nombreuses actions françaises qui différencient l’hexagone de ses alliés occidentaux. En effet, la France a développé une force de frappe nucléaire, a quitté le commandement de l’OTAN, a été le premier pays à reconnaître la Chine comme état, refuse de suivre les E-U dans son opération en Irak et a toujours été la porte-parole de l’autonomie-stratégique européenne au grand dam des Américains. Ceci permet à la France de jouer un rôle clé en tant que médiateur et passerelle dans les nouvelles décennies où l’on observe une recrudescence des tensions et conflits entre, d’un côté, les E-U qui tentent de préserver leur hégémonie politique et économique et la montée en puissance de nouveaux acteurs de l’autre (Chine, Turquie, Inde, Brésil, Russie). De plus, la France a déjà tissé des nouveaux accords économiques afin de réduire sa dépendance sur le marché économique, ceci démontre une augmentation de plus de 10 milliards d’euros de valeur d’exports français vers la Chine. Or, la France ne peut pas tenir tête aux E-U à elle seule, elle doit user de ses liens diplomatiques au sein des organisations internationales, notamment dans l’Union Européenne afin d’aboutir à un nouveau tournant géostratégique qui permettra de combattre le libéralisme à outrance des E-U tout en préservant les valeurs démocratiques que la Chine menace. 

 

Ainsi, on constate qu’il s’opère un tournant géostratégique entre la France et la Chine. Comme nous l’avons vu lors des rencontres entre les dirigeants Xi Jinping et Emmanuel Macron, les deux nations reconnaissent leurs intérêts qui se recoupent dans le domaine économique avec les collaborations dans les milieux du nucléaire, de l’aéronautique et des pharmaceutiques, mais aussi sur la scène internationale. En effet, les deux nations sont intimement liées et ont historiquement fait pression pour un multilatéralisme renforcé afin de dénoncer et de lutter contre l’hégémonie américaine; tant au niveau économique et institutionnel que culturel. En tant que pays ayant de relations de longue date avec la Chine, et les États-Unis, la France peut jouer un rôle de premier plan et devenir un acteur incontournable sur la scène internationale. Ceci permettrait à la France et l’UE de s’affirmer comme acteurs à part entière et de renouer avec la stabilité géopolitique grâce à l’établissement d’une communication claire, via l’intermédiaire de la France comme acteur de confiance. La France doit pouvoir saisir le tournant géopolitique qui s’opère afin de maximiser ses bénéfices potentiels et de prendre ses responsabilités en tant qu’acteur incontournable sur la scène internationale.

Edité par Jeanne Arnould

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