To Speak or Not to Speak ?

To Speak or Not to Speak ?

« Qui peut parler de qui, qui peut parler de quoi et qui peut comprendre qui est qui et qui est quoi ? » Thomas Gunzig.

Lors de discussions sur le féminisme, certains déclarent que les hommes n’ont pas leur mot à dire. Lorsqu’il s’agit de parler et d’agir contre le racisme, d’autres défendent que seules les personnes racisées peuvent prendre la parole.

Ayant directement été confrontée à des partisans de ce point de vue, j’ai été amenée à me poser la question : sommes-nous légitimes, quelle que soit notre identité, à parler de tous sujets ?

Pour certains, tout le monde n’a pas à intervenir dans tout débat. Beaucoup déclarent que notre légitimité à s’exprimer provient du ressenti, et de l’expérience vécue. Par exemple, un homme ne peut s’exprimer sur le féminisme, puisqu’il ne saurait expliquer ce que cela fait d’être une femme, et de vivre les inégalités qui en découlent. On retrouve cette opinion notamment dans des articles intitulés « Pourquoi les hommes ne peuvent pas être féministes » ou encore « Ce n’est pas aux hommes de décider s’ils sont féministes ».

Pour d’autres, cette radicalité n’est pas bénéfique, puisqu’elle participe à une forme de communautarisme et réduit à un seul aspect (couleur de peau, sexe, etc) l’identité de chacun. Or, le but même du féminisme ou de l’antiracisme est de se battre contre l’essentialisation d’une partie de la population. Priver d’avance certains d’une prise de parole est donc contre-productif.

De cet avis, Vincent de Coorebyter déclare que « nous sommes tous fondamentalement également capables de réfléchir, de raisonner, d’entendre les arguments d’autrui, d’essayer de prendre une distance par rapport à nos préjugés, à notre situation ». Ainsi, tout individu aurait le droit de s’exprimer, sans être écarté d’office, en raison de ses origines, de sa couleur de peau, de ses croyances…

À mesure que cette question est de plus en plus débattue, beaucoup tendent à soutenir une forme de « degrés de légitimité » (Edouard Deruelle). Une légitimité complète, ou au contraire une zéro-légitimité, parait à la fois radicale, et inapplicable aux réalités que l’on vit.

Une approche ne laissant de légitimité qu’aux dominés, certes aura un impact concret à court terme, puisqu’elle leur permettra davantage de visibilité. En revanche, comme déjà montré, les mécanismes utilisés sont souvent empruntés aux mécanismes mêmes du combat inverse, donc il sera difficile d’atteindre des résultats significatifs sur le long terme.

Une approche assurant une légitimité à tous est en accord avec les valeurs d’égalité, de non-différentiation des genres, de liberté de parole, etc. mais ne renversera pas la hiérarchie dominant-dominé demeurante.

Ainsi, de nombreux témoignages défendent que tout individu est légitime à priori, mais qu’il faut veiller à ne pas étouffer la parole des dominés ou encore à parler à titre individuel et non au nom d’un collectif. Ce concept de « degrés de légitimité » pousse les dominants à mettre de côté leur opinion malgré leur légitimité d’en parler, afin de laisser les dominés s’exprimer et être écoutés.

Cette démarche est nécessaire, sans quoi la parole des dominés est étouffée. Si l’on reprend le cas du combat féministe, on observe une sous-représentation des femmes prenant la parole sur le sujet dans les médias. Même si les chiffres sont assez anciens, le cas de l’association Mix-Cité en est témoin. Entre 1997 et 2002, on observe dans les bilans annuels que plus d’un tiers des prises de paroles de Mix-Cité dans les médias est le fait d’hommes, alors qu’ils n’ont jamais représenté, au maximum, plus d’un quart des effectifs.

À mon sens, il est donc important de prendre conscience qu’un engagement se mène de manière réfléchie et construite. Chacun doit déterminer, individuellement et en communauté, sa place au sein des enjeux et combats contemporains, afin d’atteindre des résultats positifs et durables.

Édité par Kamil Ez-zikhe

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